« L'homme qui ne sait pas tirer de son énergie de nouveaux désirs, et presque un nouvel individu, destinés à toujours démolir tout ce qui est resté de vieux et de pourri, pour s'affirmer, n'est pas un homme, c'est un bourgeois, un épicier, ce que tu voudras. » Amedeo Modigliani, Lettre à son compatriote et artiste Oscar Ghiglia, 1905 Amedeo Modigliani est né le 12 juillet 1884 à Livourne (Italie), et décédé à Paris le 24 janvier 1920. Au tournant du siècle, il s'initie à la peinture dans sa ville natale avant de s'installer à Paris en 1906. Figure emblématique de la bohème parisienne, des écrivains et des artistes, il deviendra en moins de deux décennies l'un des plus grands peintres du XXe siècle
« Il n'est que dix heures du matin. Il dégoupille le muselet de métal et fait sauter le bouchon. Le rire quasi continu de Bacon, sa bonne humeur tranchent avec le désespoir que dégagent ses tableaux. Je saisis qu'il y a un sens aigu du tragique en lui, mêlé au comique, comme chez Shakespeare, un autre de ses auteurs de chevet. Est-il ce Dr Jekyll et Mr Hyde ? »
- 2023 année Picasso, des expositions à travers le monde entier.
- Une analyse de son tableau le plus révolutionnaire qui changea le cours de la peinture au XXe siècle.
Lorsqu'il songe aux Demoiselles d'Avignon, Picasso est déjà à Paris depuis plusieurs années. Il fréquente Max Jacob, André Salmon, Guillaume Apollinaire, connaît une histoire d'amour avec Fernande Olivier. L'époque est aux fauves et à la découverte des arts qu'on appelait alors « nègres ». Après plusieurs mois de recherche, Picasso s'oriente vers une composition de nus féminins de grande dimension. Le tableau est une révolution : « mon premier tableau d'exorcisme » dira plus tard Picasso à André Malraux. Ses amis sont réservés sur son nouveau style qui anticipe le cubisme et cette nouvelle approche de la maison close. Il faudra plusieurs années avant que le tableau soit accepté par un large public. Il est exposé en 1916 au Salon d'Antin. Puis Jacques Doucet l'acquiert, sur les conseils d'André Breton, avant que le tableau ne traverse l'Atlantique pour entrer dans les collections du MoMA (1937), qui le conserve depuis. La carrière publique du tableau peut commencer et naître la légende de Picasso.
Cet essai retrace l'histoire du plus célèbre tableau de Picasso, des arcanes de sa conception aux interprétations contemporaines. On admet généralement que Les Demoiselles d'Avignon ont changé le cours de la peinture au XXe siècle.
«Des mots dans la peinture occidentale ? Dès qu'on a posé la question, on s'aperçoit qu'ils y sont innombrables, mais qu'on ne les a pour ainsi dire pas étudiés. Intéressant aveuglement, car la présence de ces mots ruine en effet le mur fondamental édifié par notre enseignement entre les lettres et les arts. Toute notre expérience de la peinture comporte en fait une considérable partie verbale. Nous ne voyons jamais les tableaux seuls, notre vision n'est jamais pure vision. Nous entendons parler des oeuvres, nous lisons de la critique d'art, notre regard est tout entouré, tout préparé par un halo de commentaires.Ce n'est pas seulement la situation culturelle de l'oeuvre, mais tout le contexte dans lequel elle se présente à nous qui est transformé par le titre : la signification de cette organisation de formes et couleurs change tout au long de la compréhension parfois fort progressive de ces quelques mots. La composition la plus abstraite peut exiger que nous lisions son titre pour nous déployer toutes ses saveurs, toutes ses vertus.»Michel Butor.
De quand date la peinture moderne ?
De David, de Manet, de Cézanne, dira-t-on ; les candidats à l'acte fondateur ne manquent pas. Michael Fried pose autrement le problème. Moins qu'aux grandes individualités, c'est à ce qu'elles eurent en commun que l'auteur s'intéresse : le courant nouveau de figuration qui très vite devint la tradition moderne et auquel ces peintres participèrent ou s'opposèrent.
Cette tradition naît au XVIIIe siècle avec la critique d'art - notamment Diderot - et celle-ci formule une interrogation : quelle place le tableau doit-il réserver au spectateur ?
De Greuze à David, la peinture refuse la théâtralité. Michael Fried montre les deux moyens que Diderot expose pour combattre la fausseté de la représentation et la théâtralité de la figuration : une conception dramatique de la peinture , qui recourt à tous les procédés possibles pour fermer le tableau à la présence du spectateur, et une conception pastorale qui à l'inverse, absorbe quasi littéralement le spectateur dans le tableau en l'y faisant pénétrer. Ces deux conceptions se conjuguent pour nier la présence du spectateur devant le tableau et mettre cette négation au principe de la représentation.
Il me semble qu'il n'y a que des semaines qu'on m'appelait "le petit Vallotton" . La vie est une fumée, on se débat, on s'illusionne, on s'accroche à des fantômes qui cèdent sous la main, et la mort est là. [... ] Il reste la peinture, heureusement. Félix Vallotton, Journal 1921
Qu'est-ce que l'art abstrait ? On connaît, croit-on, la réponse : c'est le non-figuratif et il naît du côté de Kandinsky vers 1913.
La réalité, pourtant, est autre. D'abord, parce que le débat sur l'abstraction est antérieur à l'émergence de l'art abstrait. Nourri par les arguments pour ou contre le fauvisme, le terme, qui circule dans les acceptions les plus diverses, de Cézanne à Derain, de Matisse à Braque, de Van Gogh à Kandinsky, renvoie à d'autres domaines, où il a surgi : la philosophie, l'esthétique, les sciences physiques ou bien encore l'optique physiologique.
Étudier au plus près des oeuvres et des écrits des peintres comme de la réception critique, la migration du terme et les significations nouvelles dont il se charge, permet à Georges Roque de saisir l'art abstrait sous une lumière tout à fait autre. Dépassant les deux écoles très historiques dans leur approche (l'esthétique ou formaliste : en épurant les couleurs, les peintres ont atteint l'abstraction ; la spiritualiste ou absolutiste : en devenant visionnaires, les peintres ont atteint l'essence), il révèle l'abstraction comme une grammaire de la ligne et de la couleur, dont il nous permet de redécouvrir la fraîcheur des signes.
«Pour moi, la figure humaine, le corps humain n'ont pas plus d'importance que des clés ou des vélos. C'est vrai. Ce sont pour moi des objets valables plastiquement et à disposer suivant mon choix.On doit reconnaître que les traditions picturales qui nous précèdent - la figure et le paysage - sont lourdes d'influences. [...] Il a fallu, pour y voir clair, que l'artiste moderne se détache de cette emprise sentimentale. Nous avons franchi cet obstacle : l'objet a remplacé le sujet, l'art abstrait est venu comme une libération totale, et on a pu alors considérer la figure humaine non comme une valeur sentimentale mais uniquement comme une valeur plastique.Voilà pourquoi dans l'évolution de mon oeuvre, de 1905 à maintenant, la figure humaine reste volontairement inexpressive.»
Ces entretiens sont un document de premier ordre sur la vie artistique de la première moitié du siècle, sur la naissance du cubisme, sur les collectionneurs, les règles du jeu ou la condition des peintres. Que de détails à propos de Léger, de Picasso et du caractère «fanatiquement autobiographique» de son oeuvre, de Juan Gris...Kahnweiler a commencé par Derain et Braque, qui eut sa première exposition personnelle en novembre 1908 chez lui, avec un catalogue préfacé par Apollinaire, et a continué avec Picasso, Laurens, Léger, Juan Gris, Masson.C'est une grande et belle histoire.