«J'ai dressé la liste de tous les projets que j'avais réalisés depuis mes débuts et j'en ai comptabilisé soixante et un. J'ai joué à les associer à des titres de la Série noire. Et j'ai eu l'impression que ces titres m'attendaient. Quand les Éditions Gallimard m'ont proposé de publier dans la Blanche, j'ai convié la Noire.»
Pourquoi le Japon ? Parce que c'est le pays de l'écriture : de tous les pays que l'auteur a pu connaître, le Japon est celui où il a rencontré le travail du signe le plus proche de ses convictions et de ses fantasmes, ou, si l'on préfère, le plus éloigné des dégoûts, des irritations et des refus que suscite en lui la sémiocratie occidentale. Le signe japonais est fort : admirablement réglé, agencé, affiché, jamais naturalisé ou rationalisé. Le signe japonais est vide : son signifié fuit, point de dieu, de vérité, de morale au fond de ces signifiants qui règnent sans contrepartie. Et surtout, la qualité supérieure de ce signe, la noblesse de son affirmation et la grâce érotique dont il se dessine sont apposées partout, sur les objets et sur les conduites les plus futiles, celles que nous renvoyons ordinairement dans l'insignifiance ou la vulgarité. Le lieu du signe ne sera donc pas cherché ici du côté de ses domaines institutionnels : il ne sera question ni d'art, ni de folklore, ni même de « civilisation » (on n'opposera pas le Japon féodal au Japon technique). Il sera question de la ville, du magasin, du théâtre, de la politesse, des jardins, de la violence ; il sera question de quelques gestes, de quelques nourritures, de quelques poèmes ; il sera question des visages, des yeux et des pinceaux avec quoi tout cela s'écrit mais ne se peint pas.
Roland Barthes
On s'obstine à porter aux nues les auteurs de chefs-d'oeuvre, sans prendre la mesure des dégâts qu'ils provoquent. Ils relèguent en effet d'autres créateurs dans l'obscurité, imposent des canons arbitraires à notre sensibilité et déforment notre regard sur le passé.
Ce livre propose d'étudier les mondes alternatifs où ils n'existent pas et de mettre ainsi en valeur toutes les oeuvres dont ils nous ont injustement privés.
Le design concerne a priori l'objet et ses métamorphoses à l'ère des masses, il est autant culture de projet que produit industriel. Cet ouvrage défend l'idée que le penser, c'est l'arrimer à des configurations antérieures, le voir en situation, décrire ses tâches circonstanciées, plonger dans une expérience historique. Grandes découpes, séries, objets, figures et controverses. Entre moments célèbres et épisodes plus marginaux, Le design : Histoire, concepts, combats tente de faire imploser les définitions décontextualisées sous l'impact de l'histoire.Il suit en chacune de ses traversées la leçon d'un Mendini qui écrivait en 1974 : «Nous vivons entourés de problèmes importants : massacres, récession, guerres, énergie. Et pour vivre nous nous attaquons à des petits problèmes. Nous dessinons bien et mal des serrureries et des fouets, des chiottes et des pavillons, des digues et des plans d'urbanisme pendant qu'autour de nous éclatent des bombes.» La discipline design oscille dès lors dans le trouble des dimensions, comme si «les problèmes, fussent-ils très grands, étaient en réalité très petits, et les très petits, très grands».
L'espace de notre vie n'est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça se coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça se cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d'un endroit à l'autre, d'un espace à l'autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d'espace. Le problème n'est pas d'inventer l'espace, encore moins de le ré-inventer (trop de gens bien intentionnés sont là aujourd'hui pour penser notre environnement...), mais de l'interroger, ou, plus simplement encore, de le lire ; car ce que nous appelons quotidienneté n'est pas évidence, mais opacité : une forme de cécité, une manière d'anesthésie.
C'est à partir de ces constatations élémentaires que s'est développé ce livre, journal d'un usager de l'espace.
Dans Le style Camp, Sontag tente de définir l'indéfinissable.
Le Camp, c'est une façon de voir le monde autant qu'une manière d'être. Cet art de valoriser l'artifice pourrait avoir pris corps selon Sontag pour la première fois dans Les Fourberies de Scapin, de Molière, en 1671, et autour de la figure de Louis XIV. La beauté androgyne de Greta Garbo, le film King Kong de 1933, ou encore Mozart, incarnent tous la sensibilité Camp - un mélange d'extravagance, de ludisme et de sérieux. Le Camp, en tant que subversion des normes sexuelles, est aussi une forme d'expression et un regard propre aux communautés queer.
Dans Culture et sensibilité d'aujourd'hui, Susan Sontag va plus loin encore. En théorisant notre « nouvelle sensibilité », elle suggère qu'il n'est plus possible de différencier l'art noble et l'art populaire et redéfinit la nouvelle fonction de l'art depuis la révolution industrielle. Emblématique d'une époque et de ses mouvances contestataires, ce second essai est une véritable déclaration d'indépendance par rapport à la critique traditionnelle : c'est l'un des textes critiques les plus lus et les plus influents des années 1960.
Publié à l'origine en 1964 et inclus dans son premier recueil d'essais emblématique, Against Interpretation, Le style Camp et Culture et sensibilité d'aujourd'hui ont été les premiers essais critiques à abolir les frontières entre la « haute » et la « basse » culture ; ils ont propulsé la carrière de Susan Sontag dans les années 1960. Ces essais ont initié une nouvelle façon de penser, ouvrant la voie à un tout nouveau style de critique culturelle.
Dans le cadre de l'exposition «Palazzo» d'Eva Jospin au Palais des Papes, cet ouvrage très illustré s'ouvre par «Contre-Monde», un entretien entre l'artiste et l'historien de l'art Pierre Wat, et présente près de 40 oeuvres, dont les impressionnants panneaux brodés de la Chambre de soie, les monumentales architectures Nymphées, Galleria ou Cénotaphe, et des dessins où le motif végétal joue un rôle majeur.
Dans ce texte inattendu écrit en 1921, le peintre suprématiste Kazimir Malévitch se livre à une réhabilitation de la paresse et de l'oisiveté «mère de la vie». Il rappelle que toute civilisation doit tendre à affranchir l'homme du travail, afin de permettre son plein épanouissement.
En 1948 sont publiés secrètement au Québec quatre cents exemplaires d'un manifeste explosif.
Pamphlet et poème, Refus global brosse un portrait au scalpel de la société québécoise, bigote et renfermée, et appelle, dans une langue virtuose, à une révolution poétique. Dans la lignée d'un Lautréamont, Borduas dénonce un clergé à la fois puissant et castrateur.
Voulant faire naître un «nouvel espoir collectif», il appelle à une révolte poétique. La combinaison du rejet proclamé de l'Église et du rendement marchand donne toute sa saveur et son actualité au texte. Qui plus est, cet appel à l'insurrection ne saurait être coulé dans une langue sage et policée. Certains passages glissent vers le poème en prose. Le «refus de servir» s'exprime dans la spontanéité et la libération de l'écriture.
La culture, qui avait libéré l'homme de sa forêt primitive, le propulse de nouveau dans une forêt, de livres cette fois-ci, non moins confuse et étouffante.
Sans doute faut-il préciser l'objet qui donne son titre à ce livre. Le temps du paysage ici considéré n'est pas celui où l'on a commencé à décrire dans des poèmes ou à représenter sur des murs des jardins fleuris, de sombres forêts, des montagnes majestueuses, des lacs paisibles ou des mers agitées. Il n'est pas non plus celui de la naissance et des transformations de ce mot ou de ses équivalents dans d'autres langues. Il est celui où le paysage s'est imposé comme un objet de pensée spécifique. Cet objet de pensée s'est constitué à travers des querelles concrètes sur l'aménagement des jardins, des descriptions minutieuses de parcs ornés de temples à l'antique ou d'humbles sentiers forestiers, des récits de voyages à travers lacs et montagnes solitaires ou des évocations de peintures mythologiques ou rustiques. Et ce livre en suivra les détours. Mais ce qui se forme à travers ces récits et ces querelles, ce n'est pas simplement le goût pour un spectacle qui charme les yeux ou élève l'âme. C'est l'expérience d'une forme d'unité de la diversité sensible propre à modifier la configuration existante des objets de pensée et des notions propres à les penser. Le temps du paysage est celui où l'harmonie ou la dysharmonie présentée par les jardins aménagés ou par la nature sauvage contribue à bouleverser les critères du beau et le sens même du mot art. Ce bouleversement en implique un autre qui affecte le sens d'une notion fondamentale, dans l'usage commun comme dans la réflexion philosophique, celle de nature. Or on ne touche pas à la nature sans toucher à la société qui est censée obéir à ses lois. Et le temps du paysage est aussi celui où une certaine harmonie du spectacle des champs, des forêts ou des cours d'eau s'avère propre à métaphoriser l'ordre qui convient aux sociétés humaines.
Publié en 1891, Le Déclin du mensonge est l'un des plus célèbres essais de Wilde.
Sous la forme d'un brillant dialogue entre deux esthètes, à coups de paradoxes et de mots d'esprit, il livre son credo esthétique et moral : l'art ne saurait être jugé d'après des critères extérieurs à lui-même. Loin d'imiter la vie, c'est bien plutôt la vie qui imite l'art.
Cet éloge du mensonge, du faux, du voile traduit un effort pour échapper à la réalité sociale de son siècle.
C'est dans cette fameuse histoire critique de la photographie que Walter Benjamin définit pour la première fois le concept d'aura, clé de voûte de sa théorie esthétique, ainsi que la notion d'inconscient optique, ce quelque chose qu'en prenant une photo nous captons sans le savoir et que, par exemple, certains psychogénéalogistes vont traquer pour éclairer notre histoire. «Petite histoire de la photographie» (1931) est suivi de «Un portrait d'enfant» (1934), où Benjamin, analysant une photographie du jeune Kafka baignée de tristesse, se trouve soudainement renvoyé à sa propre enfance. Avec ce livre, qui est l'autre volet de «L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique», partez en compagnie d'un maître penseur à la recherche de la puissance des images.
De quoi procèdent nos gestes de soulèvement ? D'une certaine puissance à en finir avec quelque chose. Mais, aussi, à imaginer que quelque chose d'autre est en train de recommencer. Ce livre propose les éléments d'une anthropologie de l'imagination politique dont on s'apercevra, très vite, qu'elle ne va pas sans une philosophie du temps et de l'histoire.
À la structure tous azimuts du premier volume de cette enquête répond ici un propos concentré sur le moment politique, intellectuel et artistique lié au soulèvement spartakiste de 1918-1919 en Allemagne. Que se passe-t-il lorsqu'une révolution, ayant chez beaucoup fait lever l'espoir, se trouve écrasée dans le sang ? Que reste-t-il de cet espoir ? On découvre qu'à partir du Malgré tout ! lancé par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg à la veille de leur assassinat, c'est toute la pensée moderne du temps et de l'histoire qui se sera trouvée remise en chantier, « recommencée » : notamment par Ernst Bloch et Walter Benjamin, les deux personnages principaux de ce livre (qui s'opposèrent à la pensée du temps mise en place, à la même époque, par Martin Heidegger).
C'est toute une constellation qui gravite ici autour de Bloch et de Benjamin. Elle compte des penseurs tels que Hannah Arendt ou Theodor Adorno, Martin Buber ou Gershom Scholem ; mais aussi des écrivains tels que Franz Kafka ou Kurt Tucholsky ; des dramaturges tels que Bertolt Brecht ou Erwin Piscator ; des artistes visuels tels que George Grosz ou John Heartfield, Käthe Kollwitz ou Willy Römer.
La leçon que nous proposent ces survivants d'une « révolution trahie » est considérable. Elle innerve toute la pensée contemporaine à travers le prisme de l'imagination politique. Elle nous incite à repenser l'utopie à l'aune d'un certain rapport entre désir et mémoire : ce que Bloch nommait des images-désirs et Benjamin des images dialectiques. Elle nous aide, ce faisant, à ouvrir la porte et à faire le pas.
Eric Hazan nous convie à une traversée de Paris, du sud au nord, d'Ivry à Saint-Denis. Au fil des pas, il mêle son histoire personnelle et celle de la ville dans son entassement d'époques et d'événements. Il note les évolutions et les changements à l'oeuvre, observe l'architecture, évoque la littérature et le cinéma tout en revenant sur ses souvenirs de chirurgien et d'éditeur.
«Il est permis de douter que même les plus furieux de ceux qui se sont jamais déchirés et mutilés au milieu des cris et des coups de tambour aient abusé de cette merveilleuse liberté autant que l'a fait Vincent Van Gogh : allant porter l'oreille qu'il venait de trancher précisément dans le lieu qui répugne le plus à la bonne société. Il est admirable qu'il ait ainsi à la fois témoigné d'un amour qui ne tenait compte de rien et en quelque sorte craché à la figure de tous ceux qui gardent de la vie qu'ils ont reçue l'idée élevée, officielle, que l'on connaît.» À l'origine de ce bref essai rédigé en 1930, un fait divers : au Père-Lachaise, un certain Gaston F., après avoir fixé le soleil, «reçut de ses rayons l'ordre impératif de se trancher un doigt». Ce qu'il fit, avec les dents. À partir de ce cas, Bataille étudie le geste de Van Gogh se tranchant l'oreille, qu'il éclaire par l'analyse de son oeuvre et par la comparaison avec les rituels sacrificiels d'automutilation dans les sociétés primitives. Ce faisant, il élabore une réflexion sur le sens du sacrifice dans nos sociétés modernes, considéré comme l'action qui peut rompre l'homogénéité habituelle de la personne, imposée par la société. Au-delà de la réflexion sur l'oeuvre et la vie de Van Gogh, qui préfigure le texte d'Antonin Artaud, Van Gogh, le suicidé de la société, on retrouve dans cet essai certains des thèmes fondamentaux de l'oeuvre de Bataille.
«Entre la beauté que vous, Pierre Bonnard, m'avez jetée dans les bras, sans le savoir, et celle que vous avez aimée au long de quarante-neuf années, il y a un monde, ou ce n'est pas de la peinture.Il y a un monde et c'est l'aventure du regard, avec ses ombres, ses lumières, ses accidents et ses bonheurs. Un monde en apparence ouvert et pourtant fermé comme une vie d'homme. Les clés pour y pénétrer ne sont pas dans les livres, pas dans la nature, mais très loin derrière nos yeux, dans ce jardin où l'enfance s'est un jour assise, le coeur battant, pour attendre la mer.C'est là qu'il faut aller.C'est là que Marthe m'a rejoint dans le musée à colonnade et m'a sauvé de la solitude et de l'ennui où je mourais.»
Georges Bataille avait un grand projet : élaborer, à partir d'une critique de l'utile, une économie générale qui désaliène l'homme rivé au travail et restitue sa « part maudite » - la consumation, libre, gratuite.
Il fait l'hypothèse d'un temps originaire où le monde se serait donné à l'homme dans un pur rapport d'immanence et d'immédiateté. Le monde était alors l'intime de l'homme, il était excès, il était passion : « Le monde intime s'oppose au monde réel comme la démesure à la mesure, la folie à la raison, l'ivresse à la lucidité ».
Désormais, dans le monde transcendant - ce monde où l'homme rivé au travail s'invente des fins hors de lui et à atteindre dans l'avenir - l'érotisme permet de redécouvrir la possibilité de dépenses d'énergie sans cette utilité immédiate qui nous asservit. L'érotisme enfièvre, dépense, gaspille. Puisque sur lui seul l'avenir n'a pas de prise, il est « la voie la plus puissante pour entrer dans l'instant ».
Cet ouvrage est extrait du tome VIII des OEuvres complètes de Georges Bataille.
''La première question que les poètes se posent entre eux est 'Où enseignez-vous??'. Le problème n'est pas que les poètes enseignent, un campus n'est pas un mauvais endroit en soi pour un poète. Le problème est quand tous les poètes enseignent. La société souffre de ce que les poètes n'amènent plus vitalité et imagination au coeur de la culture populaire car l'excellence littéraire est maintenant bridée par les normes universitaires.'' Suffit-il de publier de la poésie pour devenir poète?? L'ambition d'être publié n'est-elle pas finalement le plus grand obstacle à la libre création poétique?? Dana Gioia pose un regard acerbe sur la poésie contemporaine, traversée par une crise symptomatique d'une époque obnubilée par le paraître.
En cause, notamment, le monde universitaire et son échec à élargir le public des lecteurs de poésie. En l'institutionnalisant, l'université a même annihilé tout le potentiel émancipateur de la poésie. C'est avec perspicacité que Dana Gioia critique ces poètes réglés sur la doxa universitaire comme les aiguilles d'une horloge, bien loin du dérèglement de tous les sens rimbaldien. Sans pour autant sacraliser les icônes du passé et les figures de poètes maudits, Dana Gioia constate surtout l'absence de projet esthétique profond et novateur chez les poètes d'aujourd'hui. L'aveuglement de la critique et le désintérêt croissant du public n'arrangent en rien cet état de fait.
Cet essai polémique paru dans The Atlantic en 1991 eut un immense retentissement, submergeant la rédaction de réactions venues de tous horizons, bien au-delà des cercles universitaires. Aujourd'hui, il n'a rien perdu ni de son actualité, ni de sa force provocatrice.
Comment concilier action et rêve, vie et poésie ? Walter Benjamin pensait que l'art pouvait transformer le monde et changer la vie. D'où son intérêt pour le surréalisme dans trois textes fascinants des années 1920-1930 : "Kitsch onirique", "Le surréalisme, dernier instantané de l'intelligence européenne" et "Sur l'actuelle position sociale de l'écrivain français", où ce philosophe passionné de littérature développe son célèbre concept d'illumination profane et explore les forces de la créativité contre le capitalisme.
Dans ces entretiens avec Laure Adler réalisés peu de mois avant sa mort en automne 2021, Etel Adnan retrace avec profondeur et émotion les expériences fondatrices de sa démarche artistique, entre la poésie et la peinture. De sa jeunesse au Liban à sa reconnaissance tardive (et « fatigante ») lors de la Documenta en 2013, en passant par ses années américaines à New York et surtout en Californie, la conversation devient vite complice, et c'est le destin parfois difficile des femmes qui est revisité, questionné.
Ce qui est étonnant, c'est la tonalité vivifiante et primesautière du livre, et l'absolue croyance en la beauté qui l'habite : la beauté du monde, la beauté de l'art. La conclusion est en vérité une magnifique ouverture : « Aujourd'hui, c'est le printemps. Il y a cette belle lumière. Regardez, les fleurs dans le vase. L'olivier sur le balcon. C'est une bonne journée. »
Très jeune, Sarah Bernhardt va faire ses débuts au théâtre ; en 1862, à l'âge de dix-huit ans, elle joue son premier rôle à la Comédie-Française. pendant dix ans, elle multiplie les apparitions dans de petits rôles avant de jouer la reine d'Espagne dans la reprise de Ruy Blas où son interprétation est très remarquée. En 1872, elle revient à la Comédie-Française dont elle devient sociétaire en 1875 et où elle interprète Dona Sol dans Hernani. Elle est en train de devenir une légende vivante car, à ses talents de comédienne, viennent s'ajouter ceux de peintre et de sculpteur. Elle est également l'inspiratrice de nombreux peintres et Alphonse Mucha l'immortalise sur ses affiches. En 1879, Sarah Bernhardt fait sa première tournée en Angleterre. Elle connaît un grand succès dans Phèdre, avant d'aller aux Ètats-Unis où elle remportera un triomphe. Elle est dorénavant une star internationale et parcourt le monde du Caucase au Brésil avec la troupe qu'elle a créée. Elle sait jouer aussi bien des rôles du répertoire classique que des rôles de comédies légères comme Froufrou ou Fédora et elle est l'unique actrice à avoir triomphé en interprétant successivement le rôle d'Ophélie puis celui d'Hamlet. Sa vie amoureuse est également bien remplie. Une correspondance fournie témoigne de l'empressement de ses amants à son égard. Àtravers une correspondance inédite, des souvenirs d'amis et les propos écrits de Sarah, les auteurs ont réussi à tracer un magnifique portrait d'une femme hors du commun, qui fut aussi la plus grande comédienne de son temps.