Elle est sans conteste l'une des géantes de la littérature américaine contemporaine. Susan Sontag (1933-2004), jeune fille surdouée mais peu sûre d'elle, animée par le désir farouche de s'inventer un personnage à la hauteur de ses aspirations, s'ingénia toute sa vie à bâtir sa propre mythologie.
Son oeuvre foisonnante (ses romans, ses essais sur l'art et la politique, le féminisme et l'homosexualité, la célébrité, la maladie et la mort) offre une clé de lecture indispensable à la compréhension de notre culture saturée d'images et de conflits. Chroniqueuse des soubresauts de son époque (de la guerre d'Algérie au siège de Sarajevo en passant par la révolution cubaine et la chute du mur de Berlin), elle sut tout aussi bien exercer son regard acéré sur sa vie personnelle, marquée par des aventures amoureuses extraordinaires et une constante remise en cause de soi.
Fruit de six années de recherches, au cours desquelles Benjamin Moser a eu accès à de nombreuses archives personnelles inédites et à des proches de Susan qui n'avaient encore jamais parlé d'elle (dont sa dernière compagne, la photographe Annie Leibovitz), Sontag est une enquête passionnante sur une femme qui, en s'emparant de sa propre destinée, a contribué à redéfinir en profondeur les termes de la condition féminine.
Paula Modersohn-Becker est une peintre allemande de la fin du XIX ème siècle, célèbre enAllemagne et dans beaucoup d'autres pays au monde, mais à peu près inconnue en France bienqu'elle y ait séjourné à plusieurs reprises et fréquenté l'avant-garde artistique et littéraire. Néeen 1876 et morte en 1907 des suites d'un accouchement, elle est considérée comme l'une desreprésentantes les plus précoces du mouvement expressionniste allemand. Elle n'aimait pastellement être mariée, elle voulait peut-être un enfant - sur ce point ses journaux et ses lettressont ambigus. La biographie que lui consacre Marie Darrieussecq reprend tous les élémentsqui marquent la courte vie de Paula Modersohn-Becker. Mais elle les éclaire d'un jour à la foisféminin et littéraire. Elle montre, avec vivacité et empathie, la lutte de cette femme parmi leshommes et les artistes de son temps, ses amitiés (notamment avec Rainer Maria Rilke) et sondésir d'expression et d'indépendance.
En 1947, John Steinbeck et Robert Capa voyagent quarante jours en URSS, de Moscou à Stalingrad en passant par la Géorgie et l'Ukraine pour un reportage destiné au New York Herald Tribune.Ce journal traduit par Philippe Jaworski, est pour la première fois publié en français, dans son intégralité avec les photographies de Capa.
«Je vais tenter de comprendre comment est né l'ogre Picasso. Ce Minotaure qui dévore ses proies, ses amours comme la peinture. Celui qui occupe tout le temps, partout, toute la place, toutes les places.»Universellement adulé, Picasso éblouit de son génie tant les artistes qu'il côtoie que ses proches, ses amis ou les femmes de sa vie. Mais cette emprise irrésistible est tout aussi dévastatrice. Du tremblement de terre de 1884 où le petit Pablo assiste pétrifié à la naissance de sa soeur jusqu'à ses dernières années où il fait figure de demi-dieu, Sophie Chauveau dresse un portrait stupéfiant des deux visages de Picasso. Un monstre consacré qui s'enfonce résolument dans un labyrinthe dont il a façonné les parois, créant sans répit une oeuvre titanesque qui semble ne jamais devoir s'achever.
Il était resté glissé dans la poche intérieure du vieil étui en cuir acheté sur Internet. Un tout petit répertoire, comme ceux vendus avec les recharges annuelles des agendas, daté de 1951.
A : Aragon. B : Breton, Brassaï, Balthus... J'ai feuilleté avec sidération ces pages un peu jaunies. C : Cocteau, Chagall... E : Éluard... G : Giacometti... Chaque fois, leur numéro de téléphone, souvent une adresse. Vingt pages où s'alignent les plus grands artistes de l'après-guerre. Qui pouvait bien connaître et frayer parmi ces génies du XXe siècle ?
Il m'a fallu trois mois pour savoir que j'avais en main le carnet de Dora Maar.
Il m'a fallu deux ans pour faire parler ce répertoire, comprendre la place de chacun dans sa vie et son carnet d'adresses, et approcher le mystère et les secrets de la « femme qui pleure ». Dora Maar, la grande photographe qui se donne à Picasso, puis, détruite par la passion, la peintre recluse qui s'abandonne à Dieu.
B. B.
Né à Pékin dans une famille de grands lettrés chinois, Zao Wou-Ki quitte la Chine d'avant Mao Zedong, après une formation dans la plus grande école des Beaux-Arts du pays où il a aussi été professeur. En 1948, il s'installe pour deux ans à Paris afin d'étudier la peinture française. Il noue à Montparnasse et à Saint-Germain-des-Prés des amitiés indéfectibles et participe ainsi à l'effervescence artistique de l'après-guerre. La découverte de l'abstract painting à New York en 1957 le conforte dans le choix d'une abstraction où se mêlent sa connaissance de la grande peinture chinoise et la liberté du geste désormais acquise. En raison de la prise de pouvoir de Mao, il ne peut revenir en Chine qu'en 1972 et y retourne fréquemment jusqu'en 2008. Cette autobiographie, écrite avec son épouse Françoise Marquet, témoigne de l'inébranlable volonté et plaisir de peindre de Zao Wou-Ki, de ses rencontres artistiques et amitiés exceptionnelles. Elle retrace un chemin créateur hors du commun où se mêlent les influences des abstractions européenne et américaine. Reconnu par la Chine comme leur grand peintre du xxe siècle, Zao Wou-Ki apporte aux jeunes générations d'artistes l'espoir de faire dialoguer les cultures chinoise et occidentale.
Complément biographique de Yann Hendgen.
Pendant son incarcération en 2011, repensant au fossé d'incompréhension qui s'était creusé entre son père et lui, Ai Weiwei décide d'écrire ses mémoires pour que son enfant n'ait pas les mêmes regrets.
Ai Weiwei est le fils du grand poète chinois Ai Qing, ami de Mao Tsé-Toung. Violemment critiqué lors de la Révolution culturelle, ce dernier est envoyé avec sa famille en camp de travail.
Avec une absolue franchise et beaucoup d'esprit, dans ses mémoires intimes illustrés de cinquante dessins inédits, Ai Weiwei revient pour la première fois sur son enfance, sa jeunesse dans les camps pendant 17 ans, son éveil à l'art, sa formation à New York, son cheminement personnel, son amitié avec Allen Ginsberg ainsi que l'influence de Duchamp et de Warhol sur son travail. Il raconte sa prise de conscience de la puissance révolutionnaire de l'art, la façon dont la vie dans un régime totalitaire a façonné son oeuvre, ses provocations qui lui vaudront d'être incarcéré de nombreuses fois, son exil, et la permanence de son combat contre le système chinois.
À travers une plongée passionnante dans la Chine de Mao Tsé-Toung à aujourd'hui, voici le récit d'un destin hors norme, de l'anonymat au statut d'artiste superstar et figure de l'engagement contre la répression.
La première édition de ce livre date de 2004.
L'oeuvre d'Edouard Levé, fulgurante mais dense, est partagée entre photographie et littérature. L'influence de l'art contemporain est particulièrement marquée dans ce Journal qui se présente comme une tentative de neutralisation du monde et du sujet par la réécriture de « rubriques ». Edouard Levé présentait lui-même son livre ainsi : « Dans mon prochain livre, Journal, j'ai repris des articles publiés par des quotidiens et des agences, et j'en ai effacé les référents historiques, géographiques, et patronymiques. J'ai mis l'ensemble au présent de l'indicatif. J'ai récrit certains passages, j'en ai supprimé d'autres, de manière à blanchir une écriture déjà anonyme et collective, celle du journalisme mainstream. Cette réécriture produit un effet de soudain éclaircissement, non pas sur l'événement, mais sur la manière dont on le traite. Lorsqu'on lit le journal, on cherche à être informé :
Qui, quand, où ? En lisant Journal, on est informé sur la manière d'informer. La mise à distance produit un effet d'inquiétante étrangeté. En lisant telle information de la rubrique « International », j'ai un sentiment de déjà-vu, de proximité et de distance simultanées. » Tout y passe et demeure très actuel plus de 15 ans plus tard : terrorisme, guerre civile, guerre, dictature, catastrophe, diplomatie, politique, économie politique, agriculture, manifestation, religion, people, vie sociale, vie locale, transport, accident, médias, justice, suicide, viol, pédophilie, drogue, vol, folie, science, technologie, annonce immobilière, annonce de décès, annonce de naissance, offre d'emploi, météo, sport, littérature, art, musique, théâtre, danse, cinéma, télévision.
«C'est par la misère que j'ai approché la vie.
La toile est liée à un drame fondamental.
La peinture, c'est un oeil, un oeil aveuglé, qui continue de voir, qui voit ce qui l'aveugle.
N'être rien. Simplement rien. C'est une expérience qui fait peur. Il faut tout lâcher.
Pour être vrai, il faut plonger, toucher le fond.
La toile ne vient pas de la tête, mais de la vie. Je ne fais que chercher la vie. Tout ça échappe à la pensée, à la volonté.».
Bram Van Velde.
Gertrude Stein, née le 3 février 1874 en Pennsylvanie, morte le 27 juillet 1946 à l'hôpital américain de Neuilly. Ces 2 dates, ces deux lieux, encadrent une vie passée de chaque côté de l'Atlantique, passée entre 2 siècles. D'où vient-elle ? La dernière d'une fratrie juive américaine dans une famille de commerçants aisés, d'origine allemande. Le passage d'un continent à l'autre est inscrit dans les gènes... et tout au long de sa vie, Gertrude ira de l'un à l'autre. Qui est-elle ? Tout d'abord, une insatiable curieuse qui aime s'instruire et se familiariser avec ce que la vie intellectuelle produit de nouveau : le « flux de conscience » qu'elle découvre à l'université auprès de son professeur William James, frère d'Henry, les travaux de Charcot sur l'hypnose et l'hystérie, les grands opéras de Wagner... Une admiratrice et un mentor, ce qui la conduira à être une collectionneuse fameuse, de Picasso tout au long de sa vie, mais aussi de Cézanne, de Renoir, de Picabia, de Juan Gris, de Matisse... tout ce qui a compté en peinture dans la première partie du XX e siècle s'est retrouvé sur les murs de Gertrude. Un écrivain, bien sûr, qui a trouvé de nouvelles formes, un rythme d'écriture singulier, des oeuvres souvent difficiles qui lui ont valu une reconnaissance tardive mais bien réelle, en Amérique où elle fait une tournée triomphale de conférences en 1935 et en France. Une amoureuse moderne, qui après avoir eu des difficultés à se définir comme homosexuelle, a ensuite pratiqué une forme de militantisme tranquille : elle a vécu une vie maritale avec Alice Toklas, rue de Fleurus à Paris comme dans le petit village de l'Ain où elles ont acheté une maison, sans rien cacher de leurs liens. Enfin, une européenne de coeur, elle qui a tant aimé Paris, bien sûr, la province française qu'elle a traversée au volant de ses différentes voitures (des Ford, exclusivement) qu'elle a aimé baptiser (Tatie, Govida...) et dans lesquelles un bagage signé Hermès accueillait les chiens qui ont les ont accompagnées, notamment le caniche Basket et le chihuahua Pépé... Elle a autant aimé l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne, le pays de Pablo dont elle dit : « Il est naturel qu'un Espagnol ait exprimé en peinture l'âme du XX e siècle où rien ne s'accorde, ni la sphère avec le cube, ni le paysage avec les maisons, ni la grande quantité avec la petite. L'Amérique et l'Espagne ont cela en commun, c'est pourquoi l'Espagne a découvert l'Amérique et l'Amérique l'Espagne. » On pourra regretter, et le travail de Philippe Blanchon ne le passe pas sous silence, son manque de sens politique qui lui a fait notamment rapprocher Hitler et Roosevelt...
Esthète et mécène, Madeleine Castaing (1894-1992) est surtout connue aujourd'hui pour son oeuvre de décoratrice. Elle conçut les intérieurs d'un XIXe siècle fantasmé et fit de sa boutique parisienne, rue Jacob, un temple du goût et de la conversation. Mais bien avant d'aménager la maison de Jean Cocteau à Millyla-Forêt, elle côtoya la bohème de Montparnasse et lança le peintre Chaïm Soutine. Personnalité infiniment singulière et turbulente, elle inspira le personnage de Julietta à Louise de Vilmorin et eut pour amis Erik Satie, Pablo Picasso - selon qui elle était « la plus jolie femme de Paris » -, Blaise Cendrars, Maurice Sachs, Marcel Jouhandeau, Violette Leduc, Christian Bérard et beaucoup d'autres. Après avoir été une stakhanoviste du bonheur conjugal et une mécène aussi inspirée que manipulatrice, Madeleine Castaing fut, au cours des vingt-cinq dernières années de sa très longue vie, une Maud qui collectionna les jeunes Harold.
«Toute vie réussie a l'air d'un conte de fées. Mais, quand on creuse un peu, quand on observe les détails, on s'aperçoit que, derrière le conte de fées, il y a de l'énergie, de la persévérance, de l'intelligence, du courage. Quelques tragédies aussi, hélas! Fred Samuel plus qu'un autre semble avoir vécu dans un univers féerique, peuplé d'émeraudes, de saphirs, de diamants, de calcédoines et d'oeils-de-tigre. Les murs de sa caverne étincellent de pierres précieuses. Il a ciselé des milliers de bagues, tressé des milliers de bracelets, il a composé et recomposé cent fois le collier de la reine, sans mettre en péril aucune monarchie dans le monde. Il a été magicien, créant des animaux avec de l'émail, des topazes, des améthystes et de l'or.»Jean Dutourd
«Je n'ai jamais considéré la peinture comme un art de simple agrément, de distraction. J'ai voulu par le dessin et par la couleur, puisque c'étaient là mes armes, pénétrer toujours plus avant dans la connaissance du monde et des hommes, afin que cette connaissance nous libère toujours davantage.» Cubiste, Picasso? allons donc! Surréaliste? Encore moins. Communiste? Pas vraiment. Sans doute fut-il à l'origine du cubisme, proche pendant quelque temps des surréalistes et détenteur d'une carte du Parti communiste, mais le plus grand peintre du XX? siècle est irréductible à toute étiquette. Complexe, multiple, en constante métamorphose, artiste polymorphe et amant dynamique, Pablo Picasso (1881-1973) n'eut, dans sa vie comme dans son oeuvre, d'autre loi que la sienne.
Début 1951 Char fait la connaissance de Staël à Paris. Les nombreuses visites du poète à l'atelier de Staël, rue Gauguet, fortifient leur admiration et leur fascination réciproques. La correspondance que nous présentons ici éclaire les nombreux projets élaborés en commun, dont la réalisation d'un livre de poèmes de Char accompagné de bois gravés de Staël qui lui font délaisser les pinceaux pour la gouge.
En 1953 Staël et les siens viennent s'installer dans le Sud, à proximité du poète, dans son milieu intime et familier. Poussé par sa recherche passionnée des couleurs et de la lumière, Staël voyage deux ans durant à travers l'Italie et la Sicile., partageant sans cesse avec Char, son jumeau de coeur, sa quête artistique et ses passions.
Les lettres et cartes qu'ils échangent jalonnent leur chemin de créateurs et racontent à demi mot leur magnifique histoire d'amitié.
Christian Boltanski est un des artistes les plus cotés sur la scène contemporaine mondiale. Il nous livre ici un formidable cadeau : à la fois sa vie telle qu'il se la raconte ou telle qu'il la reconstruit, et son regard d'artiste porté sur le monde, un regard toujours singulier, souvent drôle, et parfois émouvant. Né en 1944, d'un père médecin (qui, juif, a dû passer une partie de l'Occupation dans une trappe aménagée dans le plancher) et d'une mère catholique et écrivaine, il traverse l'enfance et l'adolescence dans des conditions si étranges qu'il est un jeune homme asocial et inadapté au monde environnant lorsque la création artistique s'offre à lui comme seule bouée de sauvetage. Jamais provocateur, toujours inattendu, il s'invente un univers qui doit beaucoup à l'enfance, à ses fantasmagories, à ses peurs aussi. D'oeuvre en oeuvre, d'installation en installation, il impose une vision à la fois légère et grave, ludique et profonde, de l'Histoire, de l'identité, de la mémoire individuelle ou collective. Christian Boltanski se livre sans réserve à Catherine Grenier, dans une suite d'entretiens qui constituent un document exceptionnel. On pénètre comme jamais auparavant dans la sphère la plus intime de la création, et dans l'élaboration parfois intuitive sinon hasardeuse d'une carrière. La première exposition de Christian Boltanski, en mai 1968, s'appelait "La vie impossible de Christian Boltanski". Le titre du livre est bien sûr un clin d'oeil à cet évènement fondateur, mais il laisse aussi entendre l'éventuelle part romanesque et inventée de cette confession. - Christian Boltanski est un des artistes français les plus connus sur la scène internationale : plusieurs rétrospectives ont été consacrées à son oeuvre ; il connaît un succès phénoménal au Japon et aux Etats-Unis. Catherine Grenier est historienne d'art et conservatrice générale au Centre Pompidou.
Au fil des ans, Scutenaire a égréné ses Inscriptions, dans le sillage de Restif de la Bretonne ou de Lichtenberg. Bien plus que de simples aphorismes - avec ce que le terme peut comporter de creux ou de factice -, les réflexions de Scutenaire vont au plus profond sans avoir l'air d'y toucher. Sa méfiance généralisée perce à ce jour les ressorts cachés du moi et du monde, et de cette déconstruction naît une oeuvre d'une richesse infinie, à laquelle on peut sans cesse revenir puiser.
Henry Darger naît en 1892 dans un quartier pauvre de Chicago. Il y meurt en 1973, après avoir mené une vie discrète, lourde de nombreux secrets. En vidant sonappartement, on découvre ses romans comptant des milliers de pages, auxillustrations énigmatiques et troublantes. Son oeuvre va bouleverser l'histoirede l'art. Xavier Mauméjean reconstitue, pour la première fois, la vie de cepersonnage hors norme, mystérieux et à l'imagination sans égale, créateur d'undes mondes de fiction les plus vastes et étranges qui soient.
Sur un ton à la fois vif et tendre, Richard Texier dévoile son amitié de vingt ans avec Zao Wou-ki:depuis leur rencontre au Maroc, au début des années quatre-vingt-dix, jusqu'à la mort du peintre chinois en 2013. Les anecdotes légères se mêlent à l'évocation de moments profonds où les deux hommes dialoguent sur l'art, peignent ensemble parfois, toujours dans ce mouvement joyeux qui caractérise les oeuvres de l'un comme de l'autre. Avec ce récit à la fois touchant et gai de leur amitié, Richard Texier offre à son ami un beau cadeau d'adieu, habité par la dimension charnelle et sensuelle du geste artistique.
Qu'est-ce que peindre? Qu'est-ce que voir? Qu'est-ce qui fait qu'un regard est unique? Gérard Fromanger réfléchit à haute voix sur son art et parle de la naissance de ses tableaux. Vif et percutant, il raconte aussi la face cachée de la vie de peintre. Auteur d'une oeuvre parmi les plus sensibles aux mutations sociales et esthétiques de la deuxième moitié du XX? siècle, c'est tout un pan de l'histoire artistique qui est révélé avec humour et vivacité. Dans ce livre de conversations avec Laurent Greilsamer, entrepris après la rétrospective de 2016 au Centre Pompidou, on découvre sa jeunesse, ses années de formation à Montparnasse, son compagnonnage avec Jacques Prévert, César et Giacometti, ses ruptures avec le marché de l'art, ses amitiés avec les philosophes Michel Foucault, Gilles Deleuze, Félix Guattari et Michel Onfray qui ont commenté quelques-unes de ses plus fortes séries. Cofondateur de l'Atelier populaire des Beaux-Arts de Paris en Mai 68, il évoque aussi son besoin d'engagement, ses indignations, sa passion pour la foule, thème central dans sa peinture. Sans compter son besoin cyclique de se réfugier dans la solitude de la campagne siennoise où se trouve son atelier. Un témoignage capital sur la vie d'artiste aujourd'hui.
Exhumant une boîte de photographies datées de son enfance, Gérard Titus-Carmel se retrouve face à celui qu'incontestablement il fut mais qu'il estime avoir sans retour cessé d'être. Comment justifier cette immixtion de l'altérité dans le rapport à soi-même ? Comment accorder la netteté du souvenir, que ces images renforcent, avec la conviction qu'elles sont celles d'un autre ? Par quel procédé rendre compte de cette impression apparemment paradoxale : il a fallu arriver où l'on se tient pour pouvoir se reconnaître là d'où on est parti ; revendiquer ici la « solitude » comme sa condition essentielle pour pouvoir, là-bas, en identifier les ferments ?
La réponse de l'artiste à ce problème tient dans les pages de ce qu'il nomme « rêve autobiographique ». Ni autobiographie, ni mémoires, Ajours se veut une entreprise mémorielle où la vérité serait non celle du souvenir (rétrospectif par définition, donc instable, trompeur, complaisant), mais celle de l'écriture elle-même, dotée d'exigences propres. Le titre renvoie donc autant à un motif biographique central qu'à un principe de composition : l'ajour, c'est la « beauté » aperçue au loin dès l'enfance, poursuivie coûte que coûte en laissant derrière soi des origines décrites comme ternes, ingrates et misérables ;
Mais c'est aussi la part ménagée à l'oubli, dans un récit qui ne s'intéresse pas à une exactitude biographique relevant du pur fantasme, ni d'ailleurs à une stricte linéarité narrative.
Comment, après avoir choisi de se retirer au fond d'une forêt d'Europe centrale, se retrouve-t-on aux sources vives de la modernité ? Pourquoi, au croisement des routes, prend-on l'une et pas les autres ?
Si Radovan Ivsic a attendu le plus tard possible pour tenter de répondre à ces questions qui l'auront hanté pendant près de cinquante ans, c'est d'abord par souci de ne tirer aucun profit d'une trajectoire qui l'aura conduit d'une solitude délibérée à une ultime proximité d'André Breton. Mais c'est aussi afin d'avoir le plus de recul pour considérer ce qu'auront dessiné les chemins empruntés.