Du charme dissimulé dans le quotidien au régime esthétique atypique de l'imagerie scientifique, de sa capacité inouïe à penser le vivant jusqu'à ses innombrables applications littéraires, philosophiques, techniques, historiques et artistiques, la beauté se révèle être un terrain intellectuel pluridisciplinaire particulièrement fécond. L'Abécédaire de la beauté ici présenté multiplie les axes de réflexion sur cette notion aussi galvaudée qu'insaisissable, mais qui, selon les 43 contributions réunies dans cet ouvrage, demeure au centre de nos recherches les plus actuelles et les plus vives. L'ambition n'est pas de réaliser une synthèse impossible des recherches sur la beauté, mais de collectionner les points d'accès multiples d'une pensée collective en train d'émerger. À l'inverse d'une encyclopédie, l'abécédaire joue de l'aléatoire des entrées et de l'arbitraire des lettres pour mettre au défi, à chaque fois, la notion de beauté et voir en quoi elle est un levier de questionnements et de perspectives nouvelles de recherches. Chaque entrée est conçue non pas comme une synthèse rétrospective mais comme une interrogation prospective. De Frédéric Worms (V comme vitale) à Elie During (F comme futur) en passant par Emmanuelle Pouydebat (Z comme zoo-esthétique), les textes composant cet abécédaire croisent des approches issues de domaines aussi variés que la sociologie, la physique, l'esthétique ou la philosophie. L'Abécédaire de la beauté est le fruit de l'activité de recherche et de formation de la Chaire Beauté·s de l'université PSL. Une vingtaine de thématiques sont accompagnées d'illustrations d'Icinori, conçues spécifiquement pour le projet.
Oiseaux est une volière réunissant près de 200 dessins réalisés par Jochen Gerner entre février 2019 et septembre 2020. Chacun de ces oiseaux a été dessiné au feutre à encre de Chine pigmentée sur des cahiers d'écoliers petit format, originaires de Chine et d'Inde, sur lesquels apparaissent des lignes et carreaux de différentes tailles.
Cette série de dessins constitue une expérimentation graphique visant à explorer les potentialités de la trame, la superposition des traits, et l'association d'un nombre réduit de couleurs dans la création des plumages. En mêlant oiseaux rêvés et réels, cet inventaire interroge les liens entre imaginaire et réalité dans notre vie quotidienne, et nous enseigne que le fantastique se niche le plus souvent dans la réalité du quotidien.
Dans le cadre de cette recherche graphique, Jochen Gerner s'est inspiré du travail de certains illustrateurs du XVIIIe siècle comme celui de François-Nicolas Martinet, qui avait pour habitude de représenter les oiseaux de profil, leur afférant ainsi un caractère noble et raide, contrastant avec la force et l'aspect lumineux des couleurs
Bunpei Yorifuji propose dans ce petit livre une méthode d'apprentissage du dessin décalée et anticonformiste, pour apprendre facilement à regarder et représenter le monde qui nous entoure. Pour cet illustrateur japonais adepte du Rakugaki, dessin et imagination sont intimement liés. Cependant, la clef du succés se trouve avant tout dans notre capacité à être attentif aux formes et aux détails du monde qui nous entoure afin de reproduire, avec des dessins les plus petits et détaillés possibles, l'univers dans toute son immensité. Le trait minimaliste de l'auteur, et son sens de l'humour décapant, sont mis au service d'un véritable tour de force, où l'on apprend autant à tracer un trait qu'à mettre en scène son propre univers en miniature.
Éditeur, graphiste, directeur artistique, manipulateur visuel, mais peut-être avant tout typographe et peintre en lettres, Étienne Robial fait partie de ceux qui ont fait considérablement évoluer le domaine du design graphique et des arts visuels depuis les années 1970. Au cours de sa carrière, il a été éditeur et co-créateur des éditions Futuropolis, directeur artistique de Canal + depuis sa création et pendant 25 ans, a imaginé de nombreux habillages télévisuels, il a conçu de nombreux systèmes identitaires pour des marques et des insitutions (M6, PSG, Bercy, CNC) et établit de nombreuses chartes pour la presse (Les Inrocks, L'Équipe). Inventeur du concept d'habillage télévisuel, il a appliqué ensuite sa méthode à d'autres chaînes et génériques d'émissions télévisées. Co fondateur en 1982 de la société de production On/off, il réalise les habillages télévisuels de Canal+ (1984), la Sept (1986), M6 (1987), Show tv (1991), RTL puis RTL9 (1994-1995), Canal+ (1995) et nombreux génériques pour d'autres chaînes. Spécialiste de systèmes graphiques évolutifs, numéros zéro pour la presse, il a réalisé pour la presse les maquettes de nombreux journaux. Dans cet entretien, il revient sur des moments fondateurs de sa carrière en prenant des chemins détournés. Ainsi, il évoque sa rencontre avec le design à travers une passion précoce pour les dominos et les cocottes en papier, puis sa découverte du Bauhaus et de la typographie grâce à son activité de collectioneur monomaniaque. Étienne Robial nous ouvre les portes de son atelier et évoque avec précision comment il est parvenu à faire évoluer notre compréhension du design. Il revient longuement longuement sur sa carrière d'éditeur de bandes dessinées avec Futuropolis (qu'il a cofondé en 1972), son travail sur les systèmes identitaires et sa longue expérience de directeur artistique pour la télévision. L'ouvrage, illustré avec une cinquentaine de photographies en couleur, permettra de donner à voir certains exemples représentatifs du travail d'Étienne Robial et intégrera plusieurs documents d'archive inédits.
Dans Pour une esthétique de l'émancipation, Isabelle Alfonsi emprunte à la philosophe Geneviève Fraisse le concept de « lignée » et exhume des pratiques artistiques du passé, afin de faire émerger une lecture féministe et queer de l'art contemporain. Ce texte cherche à montrer comment l'écriture de l'Histoire de l'art avec un grand H a minoré l'importance des engagements affectifs des artistes, rendant ainsi inopérante la portée politique de leurs oeuvres. Les pratiques de Claude Cahun ou Michel Journiac sont ainsi replacées dans le contexte du militantisme de défense des droits des homosexuel-le-s de leurs époques respectives. L'histoire du minimalisme états-unien est revisitée à travers ses figures les plus périphériques afin de lire Lynda Benglis et ses productions des années 1970 comme les premières représentations d'un féminisme pro-sexe, comprendre Lucy Lippard à travers le prisme de la formation d'une critique sociale radicale et féministe ou encore de voir l'expression de subjectivités féminines dans les recherches filmiques d'Yvonne Rainer. Isabelle Alfonsi entend ainsi participer à l'écriture d'histoires de l'art plurielles, incarnées et affectives, et met l'accent sur l'importance du contexte social, politique et personnel dans l'interprétation des oeuvres.
Ces réflexions exprimées sous forme d'un carnet de notes personnelles sont nourries d'anecdotes et d'exemples illustrés. Pour compléter ces thématiques générales, une partie de l'ouvrage se concentre plus précisément sur le design de livres et la conception de couvertures. L'auteur y décrit avec beaucoup de pédagogie et d'humour différentes manières d'aborder ce travail si particulier d'alliance des mots et du dessin.
La question que pose Bunpei Yorifuji pourrait être : qu'est-ce que le design graphique, et comment exercer la profession de graphiste aujourd'hui ? L'auteur propose d'y répondre comme à son habitude, en texte et en image, mêlant dessins pédagogiques et recherche approfondie : un livre à mettre entre les mains de toutes celles et ceux qui cherchent à mieux comprendre le métier de graphiste et d'illustrateur et découvrir toutes les questions transversales qui nourrissent cette pratique au quotidien.
La série Ways of seeing pour la chaîne BBC. Constituée de quatre essais audiovisuels, elle soulève des questions liées aux idéologies cachées des images visuelles. La série a reçu un grand succès et a donné naissance l'année suivante à un livre du même nom écrit par John Berger. Une édition française est parue en France en 1976 sous le titre Voir le voir.
L'édition anglaise d'origine fut le fruit d'une collaboration de John Berger avec le designer graphique Richard Hollis avec lequel il avait déjà travaillé pour le magazine New Society et son roman G. Ensemble, avec Mike Dibb et l'aide de Chris Fox à l'édition du texte ainsi que de l'artiste Sven Blomberg, ils ont publié cet ouvrage en coédition avec la BBC et Penguin.
La traduction anglaise de L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique venait juste d'être la BBC donnait carte blanche à John Berger pour créer cette série de films télévisés. Il décida alors pour le premier film de partir du texte de Benjamin aujourd'hui célèbre pour le traduire de manière plus accessible pour la télévision.
Le second et troisième film ont été construits à partir de textes préexistants de John Berger sur le nouveau matérialisme de la traduction picturale européenne ainsi que de morceaux de son roman G.
Le quatrième film a été créé de toutes pièces à partir de l'observation qu'il fait de l'usage d'une forme d'autorité de l'art européen par les publicitaires.
Si la société s'est beaucoup modifiée depuis 1972, reflétant aujourd'hui plus largement les valeurs du modèle capitaliste qu'à l'époque de l'écriture de ce texte, l'enjeu politique reste cependant le même quant à la place et la fonction de l'art du passé dans notre civilisation.
En nous montrant comment voir différemment des tableaux que tant de musées présentent comme des reliques sacrées, John Berger nous invite à une réappropriation critique de notre héritage culturel, à une reprise à notre compte d'une histoire qu'on entoure délibérément de de barrières inutiles pour nous empêcher d'y puiser des raisons d'agir.
S'appuyant sur près de 160 reproductions
Riding Modern Art est un livre de photographie, consacré aux processus d'appropriation et de remploi par les skateurs des sculptures dans l'espace public, utilisées comme autant de supports pour leurs figures. Cette pratique de l'oeuvre d'art est perçue par l'artiste Raphaël Zarka comme vecteur du dynamisme de la sculpture moderne, et questionne l'idée de mouvement dans ces oeuvres souvent abstraites et géométriques, d'inspiration cubo-futuriste ou constructivistes.
En rassembalnt une archive de cinquante photographies en noir et blanc de skateurs sur des scuptures dans l'espace public, Raphaël Zarka rend compte de l'hétérogéneité de cette pratique sur les plans technique, esthétique et conceptuels.
Si l'évolution générale de l'art ces dernières années est profondément marquée par la volonté de renouveler la manière d'intervenir dans l'espace, de construire le regard et de percevoir le rapport au spectateur, peu nombreux sont les artistes à avoir formellement exprimé leur intérêt pour cette pratique populaire. Celle-ci fait pourtant écho, dans le contexte de la sculpture moderne, au discours volontariste de nombreux artistes à l'égard d'une participation active du spectateur.
Sans être une « désobéissance », un acte consciemment symbolique, l'usage fait par les skateurs révèle une réification de l'oeuvre d'art, traitée ici comme un simple objet, un matériau, ou un ensemble de matériaux mis en forme, telle une étude intrinsèque de la mécanique des solides, dans la grande tradition galiléenne. Ils renouvellent ainsi nos perceptions de l'art dans l'espace public.
Pour un artiste comme Raphaël Zarka, le skateboard est avant tout une affaire de formes. Formes du repos, formes du mouvement, elles parcourent sourdement l'histoire de l'art et des sciences, de Galilée à Robert Morris. L'architecture urbaine, mais aussi les modules des skateparks, leur font étrangement écho.
Quant à la pratique du skateboard, comme le montre La Conjonction interdite (2003), elle revient toujours à opérer une sorte de « montage » parmi la diversité de matières et de formes offertes par la ville, en dynamisant ou en déstabilisant les structures conçues pour le repos et le confort, au point d'en inverser les fonctions et le sens.
Qu'advient-il de l'économie lorsqu'elle est pensée, inventée, et rêvée par les artistes ? On le sait peu, mais nombreux furent lceux qui, de la fin du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, se firent un temps économistes, allant jusqu'à rédiger de véritables traités dont l'ambition affichée était de renouveler la discipline de fond en comble.
Qu'ils aient suivi une formation universitaire en économie (tels Vassily Kandinsky ou Robert Filliou), construit leur conception théorique de l'art en dialogue avec des économistes (comme William Morris ou Joseph Beuys), ou élaboré un système théorique à part entière (à l'instar d'Asger Jorn ou d'Isidore Isou), ces artistes nous livrent une vision riche et singulière, tant sur la pensée économique de leur temps que sur les enjeux d'aujourd'hui. Valeur, travail, monnaie et capitalisme - autant de thèmes scrutés et revisités par ces textes, dont le présent ouvrage se propose de faire l'anthologie.
Avec humour ou sérieux, érudition ou provocation, ces essais font de l'expérience de l'art un laboratoire théorique et pratique pour repenser l'économie dans son ensemble, aspirant à rien de moins, chez Isou par exemple, qu'à provoquer « un bouleversement capital, une transformation fondamentale du système monétaire et de la structure bancaire du monde entier ». En réunissant ces « propositions », modestes ou non, souvent méconnues, parfois traduites pour la première fois en français, l'ouvrage propose la généalogie d'une forme paradoxale - un traité d'économie écrit par un non-économiste -, et en expose les limites et la pertinence pour penser l'art et l'économie aujourd'hui.
La Conjonction interdite est en quelque sorte une introduction à la pratique du skateboard. L'auteur a cherché à décrire le skateboard définissant sa place parmi la diversité des jeux et des manières de jouer.
Le skateboard (et plus généralement les sports dits « de glisse »), les jeux et les manières de jouer, tout comme les pratiques artistiques d'ailleurs, se sont considérablement étendus et complexifiés au cours de ces cinquante dernières années. Dans une position qui n'est pas sans rappeler l'intérêt d'artistes tels que Dan Graham ou Robert Smithson pour les cultures populaires, Raphaël Zarka définit ici les spécificités de cette pratique tout en décrivant les relations particulières qu'elle entretient avec la ville et certains de ses espaces.
En croisant l'approche biographique et la forme de l'essai, ce livre donne une vision à la fois technique et accessible de l'histoire du design, à travers les yeux de l'un de ses plus grands critiques, Deyan Sudjic, directeur du Design Museum de Londres. Sans être un dictionnaire, B comme Bauhaus donne une définition érudite, bien que décalée, de notions allant d'Authenticité à Zip. Ce livre n'est pas non plus une autobiographie, même s'il offre une vision de l'intérieur, révélatrice et très personnelle de l'histoire contemporaine du design et de l'architecture.
B comme Bauhaus est un guide essentiel pour comprendre le monde qui nous entoure. Les objets abordés par cet ouvrage condensent nombre de problématiques qui ont rythmé l'histoire du design.
L'auteur en donne les clefs de compréhension de façon à la fois technique et critique, au travers de ces objets qui font aujourd'hui partie de l'imaginaire commun, comme le fauteuil Lounge des Eames ou l'Unité d'Habitation de Le Corbusier. Collecter, inventorier, classer, ces gestes humains sont ici détournés par le prisme de l'expérience personnelle.
Deyan Sudjic nous parle de ce qui fait d'un Warhol une authentique copie, de la création des identités nationales, de l'obsession de la collection. Il parle aussi de la vision de la ville depuis le rétroviseur de Grand Theft Auto V, des ornementations numériques et des raisons pour lesquelles nous accordons de la valeur à l'imperfection.
Ce livre parle des décors des films de Hitchcock et de la création des logotypes de Levis et de Coca-Coca, bref, de ce qui a créé l'univers de la mode, de la technologie, du design et du design graphique au XXIe siècle.
Fruit de recherches menées essentiellement aux États- Unis, cet ouvrage propose de revenir sur les décennies au cours desquelles est apparue la figure de l'« artisteuniversitaire ». Décrié en 1972 par Harold Rosenberg, ce fameux academic turn s'est depuis considérablement popularisé, normalisé et internationalisé. Toutefois, les facteurs idéologiques qui l'ont favorisé restaient à ce jour méconnus, tout comme les enjeux politiques, socio-économiques et épistémologiques qui l'ont porté.
L'investigation menée dans Go to college.
Donald Judd et la fabrique de l'artiste-universitaire consiste à déterminer comment une autorité intellectuelle longtemps refusée aux artistes américains leur a été si soudainement et si ostensiblement reconnue. Mêlant sociologie, culture visuelle, histoire politique, culturelle, éducative, universitaire, médiatique mais aussi militaire, syndicale, et populaire cette recherche met en lumière les conditions dans lesquelles ont germé de nouveaux idéaux pour la nation américaine dès la Seconde Guerre mondiale. Éminemment politique, la figure de l'artisteuniversitaire est célébrée pour la première fois dans les années 1960, dépréciée au cours des années 1980 et 1990, avant d'être valorisée avec une nouvelle insistance depuis les années 2000 alors que les réformes de l'enseignement artistique européen s'alignent sur un modèle universitaire devenu internationalement prédominant. Parce qu'elle est directement liée à la naissance du capitalisme cognitif et à l'essor du paradigme de « recherche créative », la figure de l'artisteuniversitaire n'est en rien une construction appartenant au passé.
Cet ouvrage s'organise en trois chapitres qui, suivant un axe chronologique, explorent l'imaginaire où s'est fomenté ce rêve universitaire américain, puis s'attachent aux politiques plus pragmatiques de sa mise en oeuvre, avant d'étudier par le biais spécifique de Donald Judd la manière dont il s'est métamorphosé. Bien que n'ayant jamais exercé de fonction universitaire, Donald Judd a vu sa notoriété directement liée au récit qui faisait de lui un héraut de « l'art éduqué ». L'autorité symbolique qui lui fut ainsi accordée est largement supérieure à celle dont a bénéficié sa réflexion sur la structure désordonnée de l'histoire et sur la nature politique des régimes du visible.
Ainsi, en se penchant sur des textes et fonds d'archives peu explorés, et en se basant sur des entretiens menés avec ceux qui furent ses proches et collaborateurs, ce livre propose de déplacer l'angle par lequel est traditionnellement appréhendée son oeuvre et d'analyser sous un jour nouveau l'émergence de la figure de l'artisteuniveritaire.
Contrairement à la plus grande partie des terrains de jeux ou de sports, les différents espaces fabriqués pour le skateboard ne sont jamais abstraits. La majorité des skateparks actuels, avec leurs mélanges de courbes, de plans inclinés et de volumes parallélépipédiques, synthétisent l'espace d'origine du skateboard, l'océan, et son lieu de naissance, la ville moderne. Accompagné de nombreux documents photographiques, ce texte est une visite guidée des espaces du skateboard. L'auteur en dresse une sorte de typologie formelle tout en constituant son archéologie, des appareils de mécanique galiléenne à l'histoire de la sculpture minimaliste dont les skateurs seraient les héritiers.
«Depuis une dizaine d'années, je remarque avec stupéfaction combien les oeuvres d'art public sont fréquemment documentées dans les magazines et les vidéos de skate. Les skateurs les utilisent comme support de leurs figures. Les passants, le public, la critique et l'histoire de l'art jugent les oeuvres selon des critères esthétiques et conceptuels (la beauté d'une forme ou l'intérêt d'une idée). Ceux des skateurs sont mécaniques?: tout l'intérêt d'une sculpture dans l'espace public tient à la variété des mouvements qu'elle suggère. Plus irrévérencieuse que vandale, cette pratique de l'oeuvre d'art souligne le dynamisme explicite de tout un pan de la sculpture moderne. Sur des sculptures le plus souvent abstraites et géométriques, les skateurs rendent effective l'idée de mouvement littéralement mise en oeuvre par les artistes.» Raphaël Zarka Cet ouvrage est publié avec le soutien du Centre national des arts plastiques (aide à l'édition), du ministère de la Culture et de la Communication, du Grand Café, centre d'art contemporain de la ville de Saint-Nazaire,du FRAC Franche-Comté, de la galerie Michel Rein et de Carhartt.
Largement tributaire des possibilités qu'offrent la photographie, la programmation, les procédés d'impression, de diffusion, de reproduction, notre environnement visuel est traversé de part en part par la technique. Pourtant ces opérations sont bien souvent maintenues dans l'ombre de questions plus nobles portant sur les graphistes, leurs démarches et les formes qu'ils produisent. Le rôle historique et opératoire de la technique ne semble pas encore avoir été étudié dans le champ du design graphique avec autant d'assiduité que dans d'autres domaines.
Les différentes contributions de cet ouvrage montrent selon plusieurs éclairages complémentaires, que la technique n'est pas réductible à des opérations quantifiées ou à des objets fonctionnels, mais qu'elle revêt plus largement une dimension anthropologique beaucoup plus ancienne et profonde que ce que nos environnements technologiques ne laissent imaginer.
La technique croise des pratiques, des normes, des habitudes et des « manières de faire », c'est-à-dire tout une somme de choses qui font partie intégrante des processus de création sans forcément y apparaître explicitement. Interroger la fabrication, la conception et les outils en design graphique, c'est tenter de redonner une lisibilité à ces questions pour mieux comprendre les formes visuelles de notre environnement quotidien.
Cet ouvrage témoigne de la multiplicité des approches possibles sur le sujet et de la fertilité d'une thématique qui reste encore largement à défricher, au croisement du design, des études visuelles et des humanités numériques.