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Atelier Contemporain
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Un sentiment qui tient le mur : notes et propos sur la peinture
Pierre Bonnard
- Atelier Contemporain
- Studiolo
- 20 Octobre 2023
- 9782850351303
Pierre Bonnard était un « poète fervent de la
vie brève, un célébrant du passage », comme le
dit Alain Lévêque, dans son introduction à cette
édition des écrits du peintre, réunissant ses notes et les entretiens qu'il donna à la presse. Pages d'agendas allant à l'essentiel en quelques mots, notes de carnets sous forme d'aphorismes dépouillés de grandiloquence, hommages à ses compagnons peintres, comme Maurice Denis, son ami du mouvement nabi, nommé selon le terme arabe qui signifie « ravi dans une extase », mais aussi Odilon Redon, Paul Signac ou Auguste Renoir : sa parole fut autant laconique que prolixe, ouvrant de multiples brèches pour consentir à « la vision brute », pour retrouver « une vision animale ». « Vous avez une petite note de charme, ne la négligez pas. Vous rencontrerez peut-être des peintres plus forts que vous, mais ce don est précieux. » Telles furent les paroles d'Auguste Renoir à Pierre Bonnard, alors jeune peintre inconnu, qui disent bien ce qui, dans la vision, dans les couleurs comme dans les formes, ne s'explique pas : cette « petite note de charme », précieuse, que le peintre n'a cessé de cultiver. Cela s'éclaire un peu, néanmoins, dans la définition que donne Bonnard du « peintre de sentiment », qu'il rêva d'être : « Cet artiste, on l'imagine passant beaucoup de temps à ne rien faire qu'à regarder autour de lui et en lui.
C'est un oiseau rare. » -
Ce volume consacré aux « arts modestes » est une invitation à déambuler dans nos sociétés consuméristes comme s'il s'agissait d'étranges musées, où s'accumulent sans cesse, sans classement, sans hiérarchies, une infinité de choses dignes malgré tout d'attention.
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Avec Magritte ne pourrait mieux porter son titre.
Réunissant en 1977, dix ans après la mort du peintre, les écrits qu'il lui avait consacrés entre les années 1940 et 1960, Louis Scutenaire immortalisait là une complicité de quarante ans, entre compagnonnage et « copinage ».
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Le corps et l'anagramme
Hans Bellmer
- Atelier Contemporain
- Ecrit D'artistes
- 3 Février 2023
- 9782850351051
«?Avec l'avènement en 1933-1934 du fascisme en Allemagne, cessation de tout travail utilitaire. Début de la construction de la poupée.?» C'est ainsi qu'Hans Bellmer décrit sa volonté d'oeuvrer à une destitution des autorités paternelles et politiques : autrement dit à un démontage et à un remontage des corps, pour tendre vers ces choses qu'il dit souhaiter le plus - «?celles qu'on ignore?». Porté par un violent désir révolutionnaire, qu'il cultiva au sein de la nébuleuse surréaliste, aux côtés d'André Breton, René Magritte, Gisèle Prassinos, Unica Zürn ou Georges Bataille, ses dessins, comme ses écrits proposés dans cette édition inédite, ont tenté d'ouvrir de telles voies vers l'inconnu du corps et du langage. Pour cela, Hans Bellmer use des possibilités de décomposition de la réalité consensuelle offertes par l'expérimentation anatomique ou par l'élaboration d'anagrammes. Il procède par étranges déplacements d'organes, comme dans ses Lettres d'amour?: «?Pas plus petites qu'un grand oeil, tes oreilles sont les mains de l'enfant qui occupe ta tête, bercée de tes mains dont l'enfant n'est pas plus grand que toi qui m'aimes...?» Les oreilles de la femme aimée font ressurgir le fantôme d'un enfant perdu, selon une technique de déplacement, de détournement, et finalement de « délivrance », comme dit Bernard Noël. Hans Bellmer insiste là-dessus?: «?L'objet identique à lui-même reste sans réalité.?» Sa quête graphique et littéraire vise la désarticulation et la délivrance des corps. Mais ce n'est pas seulement un Hans Bellmer théoricien ou poète surréaliste que l'on découvre au fil de ces pages. Dans ses lettres, on approche également un personnage touchant, oscillant entre tourments historiques, angoisses matérielles, et joies discrètes. Ainsi trouve-t-on trace de son intranquillité politique dans une lettre à René Magritte de novembre 1946?: «?La défaillance en Europe de la race humaine que nous avons entendu appeler «la guerre» etc. - et les répercussions de cela en ma vie intime m'ont enlevé tout goût de dessiner ou d'écrire sur du papier dentelé.?» Ce qui n'empêche pas des évocations d'une persévérance sereine, comme dans une lettre à Joë Bousquet de janvier 1948?: «?Grâce à Monestier, j'ai un petit coin tranquille où je peux travailler en paix, sans avoir froid. - Et je suis content d'être encore dans le Midi et près de mes amis.?» C'est donc un Hans Bellmer aux multiples visages que donnent à lire ses écrits ici rassemblés, incarnant l'idée que les êtres doivent être diffractés pour être vivants.
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Ce qui est arrivé par la peinture : textes et entretiens, 1953-2006
Jérôme Duwa, Simon Hantai
- Atelier Contemporain
- Ecrit D'artistes
- 18 Février 2022
- 9782850350627
Le terme « réexamen » apparaît dans une formulation de Simon Hantaï au sujet de son tableau A Galla Placidia des années 1958-1959 : il écrit exactement « réexamen rétrospectif de 10 ans de travail ». En considérant l'ensemble des textes et entretiens de ce recueil, ce mot semble à la fois approprié pour désigner ce que ce livre entend offrir au lecteur - l'occasion d'un réexamen de ce qu'un peintre a écrit et dit conjointement à ce qu'il a peint - et adéquat à ce que Simon Hantaï lui-même a incarné au cours de son existence : une résolution à se réexaminer sans trêve et quelles qu'en soient les conséquences. Il s'agit non seulement pour lui de considérer telle réalité - par exemple la peinture - avec une attention toute particulière qui conduit à ne jamais s'en satisfaire mais, en outre, d'être habité par une incertitude qui motive ce réexamen proprement interminable.
Les textes et entretiens réunis ci-après, nous permettent de suivre et sans doute de mieux comprendre ce qui se passe avec les peintures que Simon Hantaï met en circulation depuis qu'il s'est exilé à Paris à partir de septembre 1948 et qu'il entre ensuite en contact avec André Breton et les surréalistes.
Par comprendre la peinture de Simon Hantaï, il ne faut naturellement pas entendre que les diverses déclarations qui suivent et qui courent sur cinquante années vont rendre les gestes de ce peintre transparents ou évidents. Il ne tenait pas à ce qu'ils le soient pour lui-même. Celui qui va revendiquer le pliage comme « méthode » à compter de 1960 entend rompre avec l'ancienne logique picturale et recommencer une activité apparemment plus simple en pliant des toiles.
Hantaï suit sa méthode du pliage pour découvrir du nouveau, plutôt que des variations d'un imaginaire qu'il estime éculé.
« Je ne veux pas une réponse qui m'assure quelque chose, je ne veux justement aucune réponse, je veux l'absolu non-réponse, c'est-à-dire l'infini. » À la lecture de ces textes et entretiens, on entrera mieux dans une pensée de la peinture ayant permis la mise à jour de la conscience du peintre lui-même , ce qui ne garantit pas pour autant qu'on saura mieux regarder cette peinture.
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«?Votre peinture est puissance. Une terreur où la matière est l'homme?», écrivait Gilles Deleuze, dans une lettre à Dado, en décembre 1994. Dans la peinture de Dado, en effet, formes humaines, animales, invertébrées, se mêlent pour donner naissance à de troublantes figures. Dans ce Portrait en fragments, on pourra parcourir les méandres de son oeuvre à travers les multiples entrées d'un abécédaire composé par Amarante Szidon, sa fille, à partir des enregistrements de longues conversations avec Christian Derouet, à l'occasion d'une rétrospective à Beaubourg en 1981, et d'un projet de livre sur l'église néogothique de Marans-sur-Argos en 1988. En compagnie de Dado, on traversera différents lieux qui ont compté pour lui, comme Paris, le Louvre, le Vexin français, ou New York, et l'on croisera de nombreux artistes et écrivains dont il fut ou se sentit proche, comme Francis Bacon, Jean Dubuffet, Hans Bellmer, Michel Leiris, Henri Michaux, ou Franz Kafka...
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Premiers traits de Philippe Comar est l'autobiographie, aussi passionnante qu'elliptique, d'un dessinateur, plasticien, théoricien, écrivain. Souvenirs d'enfance, souvenirs de ses années d'étude, souvenirs des visites dans les musées s'entremêlent, dans un désordre qui, à l'image de celui des herbes sauvages qu'il aime dessiner, recèle «?une forme d'organisation secrète?». Paraphrasant Garry Winogrand - «?je ne connais rien de plus mystérieux qu'une chose clairement décrite?» - Philippe Comar formule ce qu'il vise à travers sa pratique du dessin?: donner à sentir la complexité infinie de chaque chose visible, corps humains, cailloux, embranchements de végétaux, objets tombés en désuétude, reflets dans un bassin. Le dessin est pour lui une manière de porter une attention soutenue à ce qui l'environne, une manière singulière d'être au monde, «?sans écart, écrit-il, entre le monde qui m'entoure et celui, intérieur, où il m'apparaît?». En témoigne, notamment, une série de dessins qu'il évoque, réalisés dans la lignée de la Grande Touffe d'herbes d'Albrecht Dürer?: ces dessins montrent un rectangle de terre, planté d'herbe, qui pivote lentement jusqu'à ce qu'il soit vu par-dessus - jeu de perspective futile, mais conduit avec le même sérieux que les «?perspecteurs?» de la Renaissance. Si le dessin déplie le visible, c'est, au fond, pour «?le vivre plus poétiquement?». Mais Philippe Comar n'est pas seulement dessinateur et plasticien?; il est aussi écrivain. Un écrivain à la plume élégante, sans que cela ne l'empêche de parler des corps et de leurs sécrétions avec une crudité qu'il revendique. Car ces «?premiers traits?», ce sont ceux que tracent, depuis l'enfance, tous ces fluides qui s'écoulent du corps et en expriment l'énigme?: salive, lait, larme, urine (comme celle qu'observe à travers un flacon de verre un médecin dans La Jeune Fille anémique de Samuel van Hoogstraten au Rijksmuseum), mais aussi encre, pensée...
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Danse gothique : écrits et entretiens, 1961-2019
Georg Baselitz
- Atelier Contemporain
- Ecrit D'artistes
- 18 Septembre 2020
- 9782850350160
Il n'est peut-être pas illégitime de situer l'oeuvre de Georg Baselitz entre deux pôles : une provenance trop connue à laquelle il ne peut ni ne veut se soustraire - l'enfance, la guerre, l'ex-RDA - et une destination - le tableau - sans cesse à découvrir, à inventer et à réinventer. Au long de ce recueil rétrospectif d'écrits et d'entretiens d'une ampleur inédite, le lecteur observera ainsi la tension animant un artiste qui, au prix de bien des ruptures, a tenu le pari de ne jamais renier ni son origine ni ses fins.
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Kathe Kollwitz - regard(s) croise(s)
Marie Gispert, Bertrand Tillier
- Atelier Contemporain
- 19 Août 2022
- 9782850350658
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L'oeil immuable : articles, conférences et essais sur l'art
Oscar Kokoschka
- Atelier Contemporain
- 16 Avril 2021
- 9782850350283
De Kokoschka, on retient surtout en France les peintures viennoises des années 1910, celles qui le rattachent à la Sécession, à Klimt et à Schiele dans l'"? apocalypse joyeuse ? " de l'empire austro-hongrois. C'est risquer d'ignorer que ce peintre bientôt exilé se sentit toute sa vie beaucoup plus proche de l'art grec et baroque, qu'il pensait sans frontière, que de tous les mouvements ponctuels et des étiquettes mortifères de la critique ? ; et que, loin de se contenter de capter dans des portraits d'aristocrates phtisiques une ambiance de fin de monde, il fut un inlassable objecteur de conscience, résolu à ouvrir les yeux de ses contemporains à la dimension proprement culturelle des catastrophes passées et à venir.
Le présent recueil d'articles, de conférences et d'essais remédie à ce danger en donnant la parole à Kokoschka lui-même. Cet ensemble de textes choisis en 1975 par l'auteur comme les plus représentatifs de sa pensée et de son engagement en matière d'art, est inauguré par les quelques brefs mais denses essais d'esthétique de sa jeunesse, où il énonce la conviction qu'il ne fera au fond que déplier et réaffirmer par la suite ? : celle du primat en art de la "? conscience ? " individuelle de l'artiste, chargé de garder les yeux ouverts, de transmettre sa vision singulière à autrui et ainsi de mettre en forme et d'humaniser le monde.
Cette formule, où il décèle l'essence même de l'art et du concept d'humanité tel que la culture européenne l'a hérité des Grecs, il en relève ensuite l'illustration idéale chez les artistes qu'il admire - Altdorfer, Rembrandt, Maulbertsch, Van Gogh, Munch... - et la faillite complète chez ceux qu'il pourfend avec une férocité constante ? : les artistes abstraits à partir de Kandinsky, responsables selon lui du bannissement de la figure humaine et du monde hors de l'art, et donc complices d'un appauvrissement de notre expérience qui aurait concouru aux atrocités du XXe siècle.
C'est que les prises de position de Kokoschka excèdent amplement la discussion esthétique. S'élargissant aux dimensions d'une critique culturelle, elles font retour sur des moments-clefs de l'histoire de l'Europe - théâtre selon lui, depuis les guerres médiques, d'un affrontement permanent entre les penchants humains et barbares de l'homme - pour détecter des tendances de fond et mieux agir sur le présent.
Le peintre se distingua en effet par son action dans le domaine de la pédagogie, documentée dans la troisième partie par les textes issus de son expérience d'"? Ecole du regard ? " à Salzbourg de 1953 à 1964, dans laquelle il offrit à plusieurs centaines de jeunes gens de leur apprendre à "? voir de leurs propres yeux ? ". La quatrième partie, enfin, retrace quelques étapes décisives de son propre parcours et réaffirme les principes qui guidèrent notamment son oeuvre de portraitiste, d'allégoriste, de dessinateur et même de scénographe.
C'est dire que ce volume, révélant l'écrivain, inconnu en France, qui double le peintre Kokoschka, enrichit l'expérience d'une peinture novatrice qui sut réactualiser la tradition pour penser le présent, tout en méritant d'être rangé parmi les ouvrages remarquables de la Kulturkritik du XXe siècle.
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Pierre entourée de chutes
Gilles Aillaud, Clément Layet
- Atelier Contemporain
- 4 Novembre 2022
- 9782850350900
Peintre des zoos, membre de la Figuration narrative, meurtrier symbolique de Marcel Duchamp, président du Salon de la Jeune Peinture de 1965 à 1969, décorateur pour le théâtre, philosophe, poète, dramaturge?: les catégories qui décrivent le travail de Gilles Aillaud sont aussi ce qui empêche d'y accéder. S'en affranchir suppose moins un effort qu'un suspens devant son oeuvre. Ses tableaux et ses écrits produisent eux-mêmes cet arrêt. Tandis que ses articles politiques des années soixante s'engagent dans la lutte des classes, les essais critiques et les poèmes qu'il publie après le reflux idéologique des années soixante-dix établissent une relation directe avec les choses. Alors que les premiers cherchent à opposer d'autres notions à celles de la culture bourgeoise, les seconds délaissent les concepts organisateurs. Cette évolution n'est pas un abandon du projet socialiste, mais un élargissement de sa portée, un approfondissement de ses conditions. Ouvrir les yeux, réfléchir au sens que prend l'histoire, se focaliser sur le soubassement relationnel qui préexiste au lien social, est à la fois ce qui anime Gilles Aillaud avant Mai 68 et ce sur quoi il se concentre particulièrement dans la suite de son oeuvre. Et c'est aujourd'hui, où les activités dominantes emportent tout dans le chaos, notre propre urgence. Sont réunis dans la première partie de cet ouvrage tous les articles politiques de Gilles Aillaud, ses essais philosophiques, ses écrits de catalogue, un choix de poèmes et de proses poétiques concernant l'art, ainsi que la transcription de quatre manuscrits inédits. N'y sont pas reprises ses contributions à L'Encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux, ni ses pièces de théâtre, ni la plupart de ses poèmes. La seconde partie réunit d'abord les entretiens les plus importants dans lesquels Gilles Aillaud aborde son travail de peintre et de décorateur de théâtre, puis en annexe les principales réactions suscitées par le meurtre symbolique de Marcel Duchamp. En tant que président du Salon entre 1965 et 1969, Gilles Aillaud est l'auteur des éditoriaux des quatre premiers numéros du Bulletin de la Jeune Peinture. Comme les autres articles du journal, ils n'étaient pas signés, par rejet de l'individualisme.
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Soliloques d'un peintre : écrits 1896-1958
Christine Gouzi
- Atelier Contemporain
- Ecrit D'artistes
- 21 Octobre 2022
- 9782850350856
Contemporain des avant-gardes du début du XXe siècle, Georges Rouault (1871-1958) participa au Salon d'Automne de 1905, dit des « f auves », avec Matisse, Camoin, Derain et Manguin. Peintre de nus, de portraits, de paysages, il fut également céramiste, graveur et illustrateur de livres pour Ambroise Vollard, qui fut son marchand à partir de 1917 ; puis dessinateur de modèles pour la tapisserie et le vitrail. Inspiré par les sujets religieux et par le cirque, dont il fut un fervent spectateur, Rouault s'impose comme le peintre des laissés pour compte de la société, dont il donne une image expressive et intense, souvent saturée de matière.
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Dépassons l'anti-art : écrits sur l'art, le cinéma et la littérature, 1948-1978
Christian Dotremont
- Atelier Contemporain
- 21 Octobre 2022
- 9782850350733
Acteur et témoin de plusieurs mouvements expérimentaux d'après-guerre, dont ceux du surréalisme-révolutionnaire et de Cobra, historien des arts impliqué dans l'histoire qu'il raconte, théoricien emporté cependant à l'écart de la théorie par sa fidélité à la confusion des sensations immédiates, telles sont les facettes de Christian Dotremont que révèlent ses nombreux écrits sur l'art, la littérature et le cinéma. À leur lecture, c'est d'abord comme si on déroulait plusieurs fils de noms, qui retracent certaines constellations artistiques et intellectuelles majeures de son époque, dans ce qu'elles eurent de tumultueux et de vivant. On croise ainsi, évoquées à travers leurs oeuvres comme à travers leur existence quotidienne, de grandes figures du milieu artistique belge, tels René Magritte et son «?anti-peinture?» traversée d'humour et de poésie, ou Raoul Ubac et la «?forêt de formes?» de ses photographies, mais aussi du surréalisme parisien, tels Paul Éluard accomplissant sa «?grande tâche lumineuse?» dans la nuit de 1940, Nush Éluard servant du porto rue de la Chapelle, ou Pablo Picasso dans son atelier rue des Grands-Augustins, occupé à faire du café et à dessiner sur des pages de vieux journaux, en ces temps de pénurie de papier. On croise également des personnages plus inattendus, comme Gaston Bachelard, lecteur des Chants de Maldoror, Jean Cocteau, «?délégué de l'autre monde?», ou Jean-Paul Sartre, travaillant frénétiquement à sa table du Dôme, et s'interrompant pour lire avec bienveillance les poèmes que lui soumet jeune Christian Dotremont. Mais celles et ceux dont il esquisse les portraits les plus denses, ce sont les artistes de Cobra, qui de 1948 à 1951 fut «?une somme de voyages, de trains, de gares, de campements dans des ateliers?», une manière de travailler en «?kolkhozes volants?», entre Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Entre autres, sont évoqués avec une finesse critique particulière Asger Jorn, qui avec ses toiles «?sème des forêts?» à l'écart des dogmes, Pierre Alechinsky, dont la peinture est «?comme un coquillage où s'entend l'orage?», Egill Jacobsen, inventant des «?masques criants de vérité chantée?», Erik Thommesen, dont les sculptures sont «?un grand mystère trop émouvant pour être expliqué?», ou Sonja Ferlov, qui réconcilie « la pierre et l'air »... Dans les textes qu'il consacre à ses amis et amies artistes, on retrouve la musique et les images obsédantes qui travaillent aussi sa poésie, telle l'image de la forêt, pour dire chaque fois les surgissements de la trame illisible du monde qui le fascinent. Artiste révolutionnaire, déçu pourtant par l'étroitesse des conceptions esthétiques communistes, il se fait théoricien d'un art du non-savoir, contre la propension à ordonner et à policer du «?réalisme-socialiste?». Il s'agit avant tout pour lui de ne pas trahir «?toutes ces confuses sensations que nous apportons nuit et jour?». Cela, seule une écriture affirmant sa dimension graphique le peut vraiment. Lignes discursives et lignes expressives doivent être pensées et tracées ensemble, comme en attestent ses logogrammes ou les «?peintures-écritures?» de Cobra. À ses yeux, l'écrivain est un artiste, voire un artisan?; les gestes de sa main sont ce qui compte avant tout. Ses écrits sur l'art manifestent sa volonté de réconcilier la dimension intellectuelle et la dimension matérielle de l'écriture, le verbe et l'image, de même, dit-il, que sont réconciliés la création et l'interprétation dans le jazz. Ainsi l'écrivain doit-il être, selon ses termes, «?spontané » et « sauvage?».
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L'immobilité battante ; entretiens avec Jean-Pascal Léger
Pierre Tal coat
- Atelier Contemporain
- 7 Juin 2017
- 9791092444568
En 1977, un an après la rétrospective de Pierre Tal-Coat au Grand Palais, à Paris, Jean-Pascal Léger est allé enregistrer le peintre dans son atelier de Dormont, non loin de la vallée de la Seine et de Giverny. Le jeune éditeur formé dans les livres de Jean-Jacques Rousseau et de Stéphane Mallarmé s?est trouvé au milieu de plus de mille tableaux en travail. L?immense atelier de Tal-Coat, bordé par une verrière orientée au sud du côté des prairies, muait de la caverne par temps sombre au labyrinthe exposé au soleil : c?est là que Tal-Coat avait entrepris une nouvelle « grande mutation » de sa peinture.
Broyant ses couleurs, il cherchait, tel un alchimiste, un accord profond entre la matière vivante de ses tableaux et les phénomènes de la nature.
Tal Coat-a souvent évoqué la nécessaire solitude du peintre entouré du monde de ses tableaux.
La peinture, à ce degré d?engagement extrême, implique une liberté farouche.
Tal-Coat se montrait pourtant accueillant. Il dialoguait joyeusement avec le souci de faire comprendre sa démarche. Porté par l?expérience de presque soixante années de peinture, l?artiste atteignait vite une profonde concentration dans sa parole. Il puisait son énergie, sa cadence, ses silences et sa sauvagerie autant dans l?évocation de ses marches dans la campagne ou des lumières de l?Océan que dans la Rencontre des hommes et de la peinture.
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Toucher la peinture comme la peinture vous touche : écrits et entretiens 1970-1998
Eugène Leroy
- Atelier Contemporain
- 18 Mars 2022
- 9782850350689
«J'emploie le mot «toucher» par rapport aux notions de «dedans» et de «dehors» et dans le sens où l'emploie Molière. Je voudrais toucher la peinture comme la peinture vous touche. «La toucher», je le dis comme on aime une femme. » Lire Leroy c'est d'abord l'entendre reprendre sans fin le récit d'une vie qui recommence pour ainsi dire avec chaque tableau, chaque interlocuteur, chaque souvenir, presque avec chaque mot prononcé. Une vie qui ne sera jamais compatible avec une biographie en bonne et due forme parce qu'elle est faite d'affects et d'émotions qui mêlent intimement le passé au présent.
On ne peut parler de Leroy sans avoir à l'esprit les indications qu'il délivre dans un savant désordre, un ordre rebelle à tout programme et qui ne vaut que pour lui. Des déclarations souvent provocantes, non dénuées d'espièglerie, d'une humilité à la Rouault où s'exprime parfois par bouffées une émotion profonde liée au souvenir de personnes qui lui furent chères ou à l'urgence de ce qu'il ne peut exprimer. Leroy, quand il renonce à des développements où parfois il se perd tant ils éveillent contradiction et révolte, sait voir et faire voir avec intensité parce qu'il sait recevoir et donner. Il nous invite surtout, sans les contredire pour autant, à donner un sens plus précis à des termes qui viennent spontanément pour évoquer ses toiles, l'épaisseur, la lourdeur, l'accumulation - il préfère nous parler d'une « respiration lumineuse ».
Sa peinture serait donc cette langue de la réalité intérieure que l'on entend sans pouvoir la traduire, que l'on ressent sans pouvoir la définir, que l'on voit sans pouvoir la décrire.
Une bonne partie de ses déclarations visent à récuser les termes critiques en usage qui concernent le style, la forme, le sujet et plus encore les notions auxquelles il a pu donner l'apparence d'une caution, la sensualité flamande d'un homme du Nord en particulier qui n'est pas ce que l'on croit. Avec vivacité, impatience, il corrige et il se corrige, cherchant à dire ce qui ne peut pas être dit et qui est pourtant là, à portée du regard.
Difficile de ne pas voir en lui quelqu'un qui récuse sans façons la culture dominante de son temps, celle des sciences humaines. Celle qui a mis en cause la peinture et veut établir pour toutes choses une grille d'analyse et l'empire du concept.
Sa vie est ailleurs, avec Montaigne, Rabelais, Rimbaud, avec Proust et Joyce, avec Villon ou Virgile plus encore que Platon, avec Thomas Bernhard, Molière et Shakespeare plus encore que Samuel Beckett.
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Exhumant une boîte de photographies datées de son enfance, Gérard Titus-Carmel se retrouve face à celui qu'incontestablement il fut mais qu'il estime avoir sans retour cessé d'être. Comment justifier cette immixtion de l'altérité dans le rapport à soi-même ? Comment accorder la netteté du souvenir, que ces images renforcent, avec la conviction qu'elles sont celles d'un autre ? Par quel procédé rendre compte de cette impression apparemment paradoxale : il a fallu arriver où l'on se tient pour pouvoir se reconnaître là d'où on est parti ; revendiquer ici la « solitude » comme sa condition essentielle pour pouvoir, là-bas, en identifier les ferments ?
La réponse de l'artiste à ce problème tient dans les pages de ce qu'il nomme « rêve autobiographique ». Ni autobiographie, ni mémoires, Ajours se veut une entreprise mémorielle où la vérité serait non celle du souvenir (rétrospectif par définition, donc instable, trompeur, complaisant), mais celle de l'écriture elle-même, dotée d'exigences propres. Le titre renvoie donc autant à un motif biographique central qu'à un principe de composition : l'ajour, c'est la « beauté » aperçue au loin dès l'enfance, poursuivie coûte que coûte en laissant derrière soi des origines décrites comme ternes, ingrates et misérables ;
Mais c'est aussi la part ménagée à l'oubli, dans un récit qui ne s'intéresse pas à une exactitude biographique relevant du pur fantasme, ni d'ailleurs à une stricte linéarité narrative.
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Mon art, mon métier, ma magie
Sam Francis, Yves Michaud
- Atelier Contemporain
- 17 Mai 2015
- 9791092444193
Ces entretiens avec le peintre Sam Francis sont issus de longues conversations tenues en 1985 et 1988 à Paris, à Santa Monica, à Point Reyes Station en Californie du nord. Sam Francis n'était pas un homme de calibrages : il répondait moins aux questions qu'il ne vous entraînait progressivement dans son univers fait de couleurs, d'alchimie, de méditation, de psyché, de rêves somptueux et d'attention à l'époque.
Petit à petit, se dessine au fil de ces pages le portrait d'une aventure artistique, d'amitiés intenses, de voyages et de curiosités et l'on découvre un artiste à la fois sage et fou, magicien et artisan, méditatif et rieur, homme d'affaires et poète, vivant tout entier pour « son art, son métier, sa magie. »