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Sciences humaines & sociales
17 produits trouvés
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Faits d'affects Tome 2 : La fabrique des émotions disjointes
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 14 Mars 2024
- 9782707349873
Les faits d'affects sont à valences multiples. Ils méritent donc d'être interrogés dans le pourquoi de leurs motifs souvent inconscients, dans le comment de leurs manifestations gestuelles et, tout aussi bien, dans le pour quoi de leurs destins éthiques et politiques. Car tout cela fonctionne ensemble dans chaque moment de l'histoire.
Ce volume, comme le précédent, s'autorise à vagabonder entre des analyses de cas singuliers très divers, mais pour voir s'y dessiner une configuration particulière bien que, malheureusement, très puissante et répandue. Les faits d'affects y sont réglés selon une disjonction : « fronts contre fronts », en quelque sorte. On entre là dans le vaste domaine d'une anthropologie politique des sensibilités et, notamment, de ce que Svetlana Alexievitch nommait les « documents-sentiments » relatifs à l'expérience des femmes russes enrôlées dans les combats de la Seconde Guerre mondiale. Comment, alors, ne pas s'interroger, en amont sur la « fabrique des émotions » dans le cadre propagandiste nazi, en aval sur la notion économique de « promotion » capitaliste ? Comment, au fil de ce parcours, ne pas revenir à la notion - toujours à revisiter, de Hegel à Marx et de Freud à l'anthropologie contemporaine - du fétichisme, là où justement les relations des sujets aux objets prennent un tour réifié, aliéné, mortifère ?
La disjonction affective ne caractériserait-elle pas, pour finir, ce « malaise dans la culture » duquel nous peinons à nous extraire dans un monde où notre liberté dans le « partage du sensible » se heurte constamment à une sorte de loi du marché affectif ? -
Le Témoin jusqu'au bout. Une lecture de Victor Klemperer
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- 3 Mars 2022
- 9782707347541
Être témoin : être sensible. En quel sens faut-il l'entendre ?
Dans un procès, on ne demande au témoin que d'être précis, puisque ce sont des faits qu'il s'agit de rendre compte. Mais celui qui décide de témoigner contre vents et marées, sans que personne ne lui ait rien demandé, se tient dans une position différente : il porte aussi en lui l'exigence d'un partage de la sensibilité. Il considère implicitement que ses émotions constituent en elles-mêmes des faits d'histoire, voire des gestes politiques.
C'est ce que montre une lecture du Journal de Victor Klemperer tenu clandestinement entre 1933 et 1945 depuis la ville de Dresde où il aura subi, comme Juif, tout l'enchaînement de l'oppression nazie. Témoignage extraordinaire par sa précision, en particulier dans l'analyse qu'y mena Klemperer - qui était philologue - du fonctionnement totalitaire de la langue. Mais aussi par sa sensibilité. Par son ouverture littéraire à la complexité des affects, avec la position éthique - celle du partage - que cette sensibilité supposait.
Entre la langue totalitaire, qui ne se prive jamais d'en appeler aux émotions sans partage, et l'écriture de ce Journal, ce sont donc deux positions que l'on voit ici s'affronter autour des faits d'affects. Combat politique lisible dans chaque repli, dans chaque inflexion de ce chef-d'oeuvre d'écriture et de témoignage. -
Survivance des lucioles
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 8 Octobre 2009
- 9782707320988
Dante a, autrefois, imaginé qu'au creux de l'Enfer, dans la fosse des " conseillers perfides ", s'agitent les petites lumières (lucciole) des âmes mauvaises, bien loin de la grande et unique lumière (lute) promise au Paradis. Il semble bien que l'histoire moderne ait inversé ce rapport : les " conseillers perfides " s'agitent triomphalement sous les faisceaux de la grande lumière (télévisuelle, par exemple), tandis que les peuples sans pouvoir errent dans l'obscurité, telles des lucioles. Pier Paolo Pasolini a pensé ce rapport entre les puissantes lumières du pouvoir et les lueurs survivantes des contre-pouvoirs. Mais il a fini par désespérer de cette résistance dans un texte fameux de 1975 sur la disparition des lucioles. Plus récemment, Giorgio Agamben a donné les assises philosophiques de ce pessimisme politique, depuis ses textes sur la " destruction de l'expérience " jusqu'à ses analyses du " règne " et de la " gloire ". On conteste ici ce pronostic sans recours pour notre " malaise dans la culture ". Les lucioles n'ont disparu qu'à la vue de ceux qui ne sont plus à la bonne place pour les voir émettre leurs signaux lumineux. On tente de suivre la leçon de Walter Benjamin, pour qui déclin n'est pas disparition. Il faut " organiser le pessimisme ", disait Benjamin. Et les images - pour peu qu'elles soient rigoureusement et modestement pensées, pensées par exemple comme images-lucioles - ouvrent l'espace pour une telle résistance.
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Faits d'affects Tome 1 : Brouillards de peines et de désirs
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 2 Février 2023
- 9782707348159
Affects, émotions ou passions forment quelque chose comme nos indéfectibles milieux de vie : des atmosphères en mouvement. C'est l'air que nous respirons, que nous traversons, qui nous traverse de ses turbulences. Ainsi marchons-nous dans l'affect, de jour comme de nuit. L'aube même de la littérature européenne ne fut d'abord que parole donnée à l'affect : c'est quand Homère commença l'Iliade sur la nécessité de chanter une émotion de colère. On y voyait aussi Achille, accablé par la mort de son ami, pris dans un « noir nuage de douleur » : s'allongeant alors dans la cendre et la poussière, comme pour se fondre dans le brouillard de peine qui venait juste de l'envahir.
Ce livre est une traversée ou, plutôt, un vagabondage dans la multiplicité des « faits d'affects ». Dans leurs théories, pour lesquelles il aura fallu convoquer de l'anthropologie et de la phénoménologie, de la psychanalyse et de l'esthétique... Il y fallait aussi des images (de Caravage ou Friedrich à Rodin ou Lucio Fontana) puisque les affects s'y « précipitent » souvent. Non moins que des poèmes (de Novalis ou Leopardi à Marina Tsvétaïeva ou Henri Michaux) qui savent en rephraser l'intensité, et des chroniques (de Saint-Simon ou Marcel Proust à Clarice Lispector) qui savent en raconter le devenir. Enfin il y fallait des gestes puisque nos peines et nos désirs s'expriment sans fin dans nos corps, nos visages ou nos mains par exemple.
Affects, émotions, passions : forces ou faiblesses ? Spinoza, Nietzsche et Freud - qui osa écrire que « l'état émotif est toujours justifié » - en ont établi la puissance en dépit de l'impouvoir même où nous nous trouvons lorsque nous sommes émus. Mais de quel genre de puissance s'agit-il ? Comment se déploie-t-elle ? Où situer sa fécondité ? Quelles transformations produit-elle dans l'économie de nos sens (sensibilité) comme dans l'organisation même du sens (signifiance) ? -
C'est le simple " récit-photo " d'une déambulation à Auschwitz-Birkenau en juin 2011. C'est la tentative d'interroger quelques lambeaux du présent qu'il fallait photographier pour voir ce qui se trouvait sous les yeux, ce qui survit dans la mémoire, mais aussi quelque chose que met en oeuvre le désir, le désir de n'en pas rester au deuil accablé du lieu. C'est un moment d'archéologie personnelle, une archéologie du présent pour faire lever la nécessité interne de cette déambulation. C'est un geste pour retourner sur les lieux du crématoire V où furent prises, par les membres du Sonderkommando en août 1944, quatre photographies encore discutées aujourd'hui. C'est la nécessité d'écrire - donc de réinterroger encore - chacune de ces fragiles décisions de regard.
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Ce qui nous soulève Tome 1 : Désirer désobéir
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 7 Mars 2019
- 9782707345226
« Nous avions beaucoup enduré et puis, un jour, nous nous sommes dit que cela ne pouvait plus durer. Nous avions trop longtemps baissé les bras. À nouveau cependant - comme nous avions pu le faire à l'occasion, comme d'autres si souvent l'avaient fait avant nous - nous élevons nos bras au-dessus de nos épaules encore fourbies par l'aliénation, courbées par la douleur, par l'injustice, par l'accablement qui régnaient jusque-là. C'est alors que nous nous relevons : nous projetons nos bras en l'air, en avant. Nous relevons la tête. Nous retrouvons la libre puissance de regarder en face. Nous ouvrons, nous rouvrons la bouche. Nous crions, nous chantons notre désir. Avec nos amis nous discutons de comment faire, nous réfléchissons, nous imaginons, nous avançons, nous agissons, nous inventons. Nous nous sommes soulevés. »
Ce livre est un essai de phénoménologie et d'anthropologie - voire une poétique - des gestes de soulèvement. Il interroge les corps avec la psyché à travers le lien profond, paradoxal, dialectique, qui s'instaure entre le désir et la mémoire. Comme il y a « ce qui nous regarde » par- delà « ce que nous croyons voir », il y aurait peut-être « ce qui nous soulève » par-delà « ce que nous croyons être ». C'est une question posée en amont - ou en dedans - de nos opinions ou actions partisanes : question posée, donc, aux gestes et aux imaginations politiques. Question posée à la puissance de se soulever, même lorsque le pouvoir n'est pas en vue. Cette puissance est indestructible comme le désir lui-même. C'est une puissance de désobéir. Elle est si inventive qu'elle mérite une attention tout à la fois précise (parce que le singulier, en l'espèce, nous dit plus que l'universel) et erratique (parce que les soulèvements surgissent en des temps, en des lieux et à des échelles où on ne les attendait pas). -
Ce qui nous soulève Tome 2 : Imaginer recommencer
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 7 Octobre 2021
- 9782707346995
De quoi procèdent nos gestes de soulèvement ? D'une certaine puissance à en finir avec quelque chose. Mais, aussi, à imaginer que quelque chose d'autre est en train de recommencer. Ce livre propose les éléments d'une anthropologie de l'imagination politique dont on s'apercevra, très vite, qu'elle ne va pas sans une philosophie du temps et de l'histoire.
À la structure tous azimuts du premier volume de cette enquête répond ici un propos concentré sur le moment politique, intellectuel et artistique lié au soulèvement spartakiste de 1918-1919 en Allemagne. Que se passe-t-il lorsqu'une révolution, ayant chez beaucoup fait lever l'espoir, se trouve écrasée dans le sang ? Que reste-t-il de cet espoir ? On découvre qu'à partir du Malgré tout ! lancé par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg à la veille de leur assassinat, c'est toute la pensée moderne du temps et de l'histoire qui se sera trouvée remise en chantier, « recommencée » : notamment par Ernst Bloch et Walter Benjamin, les deux personnages principaux de ce livre (qui s'opposèrent à la pensée du temps mise en place, à la même époque, par Martin Heidegger).
C'est toute une constellation qui gravite ici autour de Bloch et de Benjamin. Elle compte des penseurs tels que Hannah Arendt ou Theodor Adorno, Martin Buber ou Gershom Scholem ; mais aussi des écrivains tels que Franz Kafka ou Kurt Tucholsky ; des dramaturges tels que Bertolt Brecht ou Erwin Piscator ; des artistes visuels tels que George Grosz ou John Heartfield, Käthe Kollwitz ou Willy Römer.
La leçon que nous proposent ces survivants d'une « révolution trahie » est considérable. Elle innerve toute la pensée contemporaine à travers le prisme de l'imagination politique. Elle nous incite à repenser l'utopie à l'aune d'un certain rapport entre désir et mémoire : ce que Bloch nommait des images-désirs et Benjamin des images dialectiques. Elle nous aide, ce faisant, à ouvrir la porte et à faire le pas. -
L'image survivante ; histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 25 Janvier 2002
- 9782707317728
Comprendre une image ? l'expérience nous enseigne qu'il faut se mettre, en la regardant, à l'écoute de sa teneur temporelle, cette polyrythmie dont elle est toute tissée.
Or, les modèles historiques standard - passé et présent, ancien et nouveau, obsolescences et renaissances, moderne et postmoderne - échouent à décrire cette complexité. prolongeant une enquête sur l'anachronisme menée dans devant le temps, ce livre propose de redonner valeur d'usage à une notion délaissée par les sciences historiques : la survivance. façon d'interroger, au coeur même de leur histoire, la mémoire à l'oeuvre dans les images de la culture.
C'est aby warburg (1866-1929) qui, le premier, fit de la survivance (nachleben) le motif central de son approche anthropologique de l'art occidental : elle est ici étudiée dans sa logique, dans ses sources et dans ses résonances philosophiques, qui vont de l'historicité selon burckhardt à l'inconscient selon freud en passant par les survivals selon tylor, l'éternel retour selon nietzsche, la mémoire biologique selon darwin, la morphologie selon goethe, l'empathie selon vischer, la phénoménologie du temps psychique selon binswanger.
Cette multiplicité d'approches était bien la seule voie possible pour décrire la paradoxale " vie " (leben) des images. par une telle démarche heuristique - c'est-à-dire jamais dogmatique -, warburg nous introduit aux paradoxes constitutifs de l'image elle-même : sa nature de fantôme et sa capacité de revenance, de hantise ; son pouvoir de transmettre le pathos dans une chorégraphie de gestes fondamentaux, que théorise le concept, crucial, de pathosformel ; sa structure de symptôme oú se mêlent latences et crises, mémoire et désir, répétitions et différences, refoulements et après-coups.
L'image s'y révèle comme le théâtre intense de temps hétérogènes qui prennent corps ensemble. de tout cela naît un savoir nouveau. c'est une connaissance par le montage que le dernier projet de warburg, mnemosyne, met en oeuvre de façon si étonnamment actuelle. walter benjamin a posé qu'une histoire de la culture ne va pas sans la mise au jour d'un " inconscient de la vision ". aby warburg avait compris qu'une telle mise au jour n'est possible qu'à interroger cet " inconscient du temps " qu'est la survivance.
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Le danseur des solitudes
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 6 Avril 2006
- 9782707319586
« J'ai vu, un jour, dans les Alpujarras, un oiseau immobile dans le ciel. C'était un petit rapace. Son corps, à mieux y regarder, esquissait bien quelques gestes infimes : juste ce qu'il fallait pour demeurer dans le ciel en un point aussi précis qu'intangible. Sans doute était-ce le sitio convenable pour bien guetter sa proie. Mais il lui avait fallu, pour cela même, renoncer à voler vers un but, ne surtout pas fendre l'air, tout annuler pour un temps indéfini. C'est parce qu'il s'était placé contre le vent - parce que le milieu, l'air, était lui-même en mouvement - que le corps de l'oiseau pouvait ainsi jouer à suspendre l'ordre normal des choses et à déployer cette immobilité de funambule, cette immobilité virtuose. Voilà exactement, me suis-je dit alors, ce que c'est que danser : faire de son corps une forme déduite, fût-elle immobile, de forces multiples. » Il ne s'agit, dans ce livre, que de regarder et de décrire philosophiquement, autant que faire se peut, un grand danseur de baile jondo, Israel Galván. Il s'agit de reconnaître dans son art contemporain un art de « naissance de la tragédie ». Il s'agit d'écouter son rythme et de reconnaître dans ses mots - au moins trois d'entre eux : la jondura ou « profondeur », le rematar ou l'art de « mettre fin » et le templar, intraduisible - de grands concepts esthétiques que notre esthétique ignore encore. Cet ouvrage est paru en 2006.
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Voir une image, cela peut-il nous aider à mieux savoir notre histoire ?
En août 1944, les membres du Sonderkommando d'Auschwitz-Birkenau réussirent à photographier clandestinement le processus d'extermination au coeur duquel ils se trouvaient prisonniers. Quatre photographies nous restent de ce moment. On tente ici d'en retracer les péripéties, d'en produire une phénoménologie, d'en saisir la nécessité hier comme aujourd'hui. Cette analyse suppose un questionnement des conditions dans lesquelles une source visuelle peut être utilisée par la discipline historique. Elle débouche, également, sur une critique philosophique de l'inimaginable dont cette histoire, la Shoah, se trouve souvent qualifiée. On tente donc de mesurer la part d'imaginable que l'expérience des camps suscite malgré tout, afin de mieux comprendre la valeur, aussi nécessaire que lacunaire, des images dans l'histoire. Il s'agit de comprendre ce que malgré tout veut dire en un tel contexte.
Cette position ayant fait l'objet d'une polémique, on répond, dans une seconde partie, aux objections afin de prolonger et d'approfondir l'argument lui-même. On précise le double régime de l'image selon la valeur d'usage où on a choisi de la placer. On réfute que l'image soit toute. On observe comment elle peut toucher au réel malgré tout, et déchirer ainsi les écrans du fétichisme. On pose la question des images d'archives et de leur "lisibilité". On analyse la valeur de connaissance que prend le montage, notamment dans Shoah de Claude Lanzmann et Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard. On distingue la ressemblance du semblant (comme fausseté) et de l'assimilation (comme identité). On interroge la notion de " rédemption par l'image " chez Walter Benjamin et Siegfried Kracauer. On redécouvre avec Hannah Arendt la place de l'imagination dans la question éthique. Et l'on réinterprète notre malaise dans la culture sous l'angle de l'image à l'époque de l'imagination déchirée.
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Peuples en larmes, peuples en armes. L'Oeil de l'histoire, 6
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 18 Mars 2016
- 9782707329622
Il en est - au regard de l'histoire et de la politique - des émotions comme des images (les deux étant d'ailleurs souvent mêlées) : on a tendance à tout leur demander ou, au contraire, à tout leur refuser. La première attitude, assez commune, prolonge la confiance en croyance et se livre bientôt à ce « marché aux pleurs » des émotions médiatisées qui finit par tuer toute vérité de l'émotion comme toute émotion de la vérité. La seconde attitude, plus élitiste, prolonge la méfiance en rejet, en mépris et, finalement, en ignorance pure et simple des émotions comme des images : elle supprime son objet au lieu de le critiquer. Il fallait donc envisager une approche plus dialectique.
Ce livre en est la tentative, focalisée - après une brève histoire philosophique de la question - sur l'analyse d'une seule situation, mais exemplaire : un homme est mort de mort injuste et violente, et des femmes se rassemblent pour le pleurer, se lamenter. C'est bientôt tout un peuple en larmes qui les rejoindra. Or cette situation, que l'on observe partout et de tout temps, a été remarquablement construite en images par Sergueï Eisenstein dans son célèbre film Le Cuirassé Potemkine. Mais comment se fait-il que Roland Barthes, l'une des voix les plus influentes dans le domaine du discours contemporain sur les images, a considéré cette construction du pathos comme vulgaire et « pitoyable », nulle et non avenue ?
La première réponse à cette question consiste, ici, à repenser de bout en bout le parcours de Roland Barthes dans ses propres émotions d'images : depuis les années 1950 où il admirait encore le pathos tragique, jusqu'à l'époque de La Chambre claire où il substitua au mot pathos, désormais détesté, un mot bien plus subtil et rare, le pothos.
La meilleure réponse à la critique barthésienne sera fournie par Eisenstein lui-même dans la structure de sa séquence d'images comme dans le discours - immense, profus, génial, aussi important que celui des plus grands penseurs de son temps - qu'il tient sur la question des images pathétiques. On découvre alors une émotion qui sait dire nous et pas seulement je, un pathos qui n'est pas seulement subi mais se constitue en praxis : lorsque les vieilles pleureuses d'Odessa, autour du corps du matelot mort, passent de lamentation à colère, « portent plainte » et réclament justice pour faire naître ce peuple en armes de la révolution qui vient. -
L'oeil de l'histoire Tome 2 ; remontages du temps subi
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 14 Octobre 2010
- 9782707321367
Quel est le rôle des images dans la lisibilité de l'histoire ? C'est la question reposée dans ce livre. Là où Images malgré tout tentait de donner à comprendre quelques images-témoignages produites depuis l'" oeil du cyclone " lui-même - le camp d'Auschwitz en pleine activité de destruction - cet essai traite, en quelque sorte, des images après coup et, donc, de la mémoire visuelle du désastre.
Une première étude s'attache à reconstituer les conditions de visibilité et de lisibilité - concurrentes ou concomitantes - au moment de l'ouverture des camps nazis. Elle se focalise sur les images filmées par Samuel Fuller en 1945 au camp de Falkenau et sur la tentative, une quarantaine d'années plus tard, pour en faire un montage doué de sens, une " brève leçon d'humanité ".
Une seconde étude retrace les différentes procédures par lesquelles le cinéaste et artiste allemand Harun Farocki revisite - et remonte - certains documents de la violence politique. On découvre alors ce que c'est, aujourd'hui, qu'une possible restitution de l'histoire dans le travail des images. Deux essais plus brefs évoquent successivement l'activité photographique d'Agustí Centelles au camp de Bram en 1939 (ou comment un prisonnier regarde les autres prisonniers) et le questionnement actuel de Christian Boltanski sur l'image en tant que reconnaissance, transmission et oeuvre de dignité.
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L'oeil de l'histoire Tome 3 ; atlas ou le gai savoir inquiet
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 3 Novembre 2011
- 9782707322005
À quiconque s'interroge sur le rôle des images dans notre connaissance de l'histoire, l'atlas Mnémosyne apparaît comme une oeuvre-phare, un véritable moment de rupture épistémologique. Composé - mais constamment démonté, remonté - par Aby Warburg entre 1924 et 1929, il ouvre un nouveau chapitre dans ce qu'on pourrait nommer, à la manière de Michel Foucault, une archéologie du savoir visuel. C'est une enquête " archéologique ", en effet, qu'il aura fallu mener pour comprendre la richesse inépuisable de cet atlas d'images qui nous fait voyager de Babylone au XXe siècle, de l'Orient à l'Occident, des astra les plus lointains (constellations d'idées) aux monstra les plus proches (pulsions viscérales), des beautés de l'art aux horreurs de l'histoire.
Ce livre raconte, par un montage de " gros plans " plutôt que par un récit continu, les métamorphoses d'Atlas - ce titan condamné par les dieux de l'Olympe à ployer indéfiniment sous le poids du monde - en atlas, cette forme visuelle et synoptique de connaissance dont nous comprenons mieux, aujourd'hui, depuis Gerhard Richter ou Jean-Luc Godard, l'irremplaçable fécondité. On a donc tenté de restituer la pensée visuelle propre à Mnémosyne : entre sa première planche, consacrée à l'antique divination dans les viscères, et sa dernière, hantée par la montée du fascisme et de l'antisémitisme dans l'Europe de 1929. Entre les deux, nous aurons croisé les Disparates selon Goya et les " affinités électives " selon Goethe, le " gai savoir " selon Nietzsche et l'inquiétude chantée dans les Lieder de Schubert, l'image selon Walter Benjamin et les images d'August Sander, la " crise des sciences européennes " selon Husserl et le " regard embrassant " selon Wittgenstein. Sans compter les paradoxes de l'érudition et de l'imagination chers à Jorge Luis Borges.
Oeuvre considérable de voir et de savoir, le projet de Mnémosyne trouve également sa source dans une réponse d'Aby Warburg aux destructions de la Grande Guerre. Non content de recueillir les Disparates du monde visible, il s'apparente donc à un recueil de Désastres où nous trouvons, aujourd'hui encore, matière à repenser - à remonter, poétiquement et politiquement - la folie de notre histoire.
Georges Didi-Huberman est né en 1953 à Saint-Etienne. Historien de l'art et philosophe, il enseigne à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.
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La ressemblance par contact : Archéologie, anachronisme et modernité de l'empreinte
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 13 Mars 2008
- 9782707320360
Pourquoi les artistes modernes et contemporains ont-ils, aussi obstinément, exploré et utilisé les ressources de l'empreinte, cette façon en quelque sorte préhistorique d'engendrer les formes ? - En quoi le jeu, apparemment si simple, de l'organe (la main...), du geste (enfoncer...) et de la matière (le plâtre...) accède-t-il à la complexité d'une technique et d'une pensée de la « procédure » ? - En quoi cette technique, qui d'abord suppose le contact, transforme-t-elle les conditions fondamentales de la ressemblance et de la représentation ? - À quel genre d'érotisme ce travail du contact donne-t-il lieu ? - Quelle sorte de mémoire et de présent, quelle sorte d'anachronisme l'empreinte propose-t-elle à l'histoire de l'art aujourd'hui ?
À ces questions le présent essai tente de répondre en retraçant une histoire synoptique de l'empreinte, mais aussi en modifiant nos façons habituelles de regarder l'image dans sa singularité : depuis le modèle optique, voire métaphysique, de l'imitation obtenue vers celui, tactile et technique, de son travail en acte. Cela pour modifier nos façons habituelles de comprendre chaque oeuvre d'art - celle de Marcel Duchamp prise ici comme cas exemplaire - dans son historicité : depuis le modèle déductif qui peut nous faire imaginer un mouvement de « progrès » du modernisme au postmodernisme, vers un modèle plus complexe qui tient compte des intrications de temporalités hétérogènes dont toute image est faite.
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Publié la première fois en 1982, l'Invention de l'hystérie était épuisé depuis plusieurs années.
Les Éditions Macula sont heureuses de vous annoncer la parution de cette nouvelle édition, revue, corrigée et enrichie d'une postface de Georges Didi-Huberman, « Des images et des maux », de 40 pages.
Ce livre raconte et interroge les pratiques qui se firent jour à la Salpêtrière, du temps de Charcot, autour de l'hystérie.
À travers les procédures cliniques et expérimentales, à travers l'hypnose et les «présentations» de malades en crise (les célèbres «leçons du mardi»), on découvre l'espèce de théâtralité stupéfiante, excessive, du corps hystérique. On la découvre ici à travers les images photographiques qui nous en sont restées, celles des publications, aujourd'hui rarissimes, de l'Iconographie photographique de la Salpêtrière.
Freud fut le témoin de tout cela, et son témoignage devint la confrontation d'une écoute toute nouvelle de l'hystérie avec ce spectacle de l'hystérie que Charcot mettait en oeuvre. Témoignage qui nous raconte les débuts de la psychanalyse sous l'angle du problème de l'image.
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Peuples exposés, peuples figurants ; l'oeil de l'histoire Tome 4
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 8 Novembre 2012
- 9782707322654
On s'interroge, dans ce livre, sur la façon dont les peuples sont représentés : question indissolublement esthétique et politique. Les peuples aujourd'hui semblent exposés plus qu'ils ne l'ont jamais été. Ils sont, en réalité, sous-exposés dans l'ombre de leurs mises sous censure ou - pour un résultat d'invisibilité équivalent - sur-exposés dans la lumière artificielle de leurs mises en spectacle. Bref ils sont, comme trop souvent, exposés à disparaître.
À partir des exigences formulées par Walter Benjamin (une histoire ne vaut que si elle donne voix aux " sans noms ") ou par Hannah Arendt (une politique ne vaut que si elle fait surgir ne fût-ce qu'une " parcelle d'humanité "), on interroge ici les conditions d'une possible représentation des peuples. Cela passe moins par l'histoire du portrait de groupe hollandais et des " portraits de troupes " totalitaires que par l'attention spécifique accordée aux " petits peuples " par les poètes (Villon, Hugo, Baudelaire par exemple), les peintres (Rembrandt, Goya ou Gustave Courbet), les photographes (Walker Evans, August Sander ou, pour un exemple contemporain, Philippe Bazin).
Le cinéma, quant à lui, nomme figurants ces " petits peuples " devant lesquels agissent et s'agitent les " acteurs principaux ", les stars comme on dit. D'où que les figurants incarnent un enjeu crucial, historique et politique, du cinéma lui-même, depuis sa naissance - La Sortie des usines Lumière - jusqu'à ses élaborations modernes chez Eisenstein et Rossellini, et bien au-delà encore. Une longue analyse est ici consacrée au travail de Pier Paolo Pasolini, à sa façon de retrouver les " peuples perdus " dans leurs " gestes survivants ", selon un processus que permettent d'éclairer les analyses d'Erich Auerbach (pour les formes poétiques), d'Aby Warburg (pour les formes visuelles) et d'Ernesto De Martino (pour les formes sociales). Sans oublier quelques exemples plus contemporains, tel que le film du Chinois Wang Bing intitulé, précisément, L'Homme sans nom.
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Gestes d'air et de pierre
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Paradoxe
- 7 Janvier 2005
- 9782707319012
Parcours à travers l'oeuvre - psychanalytique, philosophique et, en un sens, poétique - de Pierre Fédida, ce livre interroge la façon dont une pensée de l'absence se devait de produire une théorie des rapports entre corps, parole, souffle et image : une théorie du " souffle indistinct de l'image ".
C'est une approche de para-doxes. C'est la surprise de dé-couvrir les affinités de l'air et de la pierre, de la danse et de la sépulture, de l'art et de la gé-néalogie. C'est une façon de s'interroger sur la respiration du temps dans l'image.