Londres, l'hiver. Aller à la rencontre de Francis Bacon, entamer l'ultime dialogue auquel il a consenti. Pourtant il dira : «On ne peut parler de peinture. On ne peut pas.» Prévenance de géant, humilité du labeur. Or il parlera, autrement qu'attendu mais il parlera, dans le clair-obscur de l'atelier, au détour de la rue, dans la nuit des pubs, jusqu'à retourner les questions. L'enfance, les amis et les rencontres, l'art et la création, encore et toujours le travail : il ne le sait pas - nul ne peut alors le savoir - mais à quelques semaines de sa disparition, il compose le plus libre et le plus étonnant des témoignages cousu en coin de sa vie, posé en regard de son oeuvre. À travers le mythe transparaît enfin l'homme. Et Bacon, qui aura dominé la peinture dans ce siècle et par-delà, délivre sans compter ce qu'il nous faut nommer son testament.
Si quelque chose est fort, les gens pensent que c'est douloureux. En fait, je ne crois pas que mes tableaux aient quelque chose à voir avec la douleur. Mais ils n'ont surtout rien à voir avec la séduction. La réalité émeut, fascine, effraie, émerveille ou excite, mais elle ne séduit pas. » Francis Bacon Artiste autodidacte, on reconnaît parmi les influences qui ont marqué Bacon (né le 28 octobre 1909 à Dublin et mort le 28 avril 1992 à Madrid), Picasso mais aussi Vélasquez, Poussin ou encore Rembrandt. Bacon affirmait par ailleurs que l'influence du surréalisme sur son travail ne provenait pas de la peinture mais des films de Buñuel comme Un chien andalou. Au long de sa carrière, il affine son style, délaissant les images de violence crue de ses débuts pour préférer « peindre le cri plutôt que l'horreur », prônant que la violence doit résider dans la peinture elle-même, et non dans la scène qu'elle montre.
Francis Bacon fut un artiste prolixe qui a laissé de très nombreux interviews et documentaires audio et vidéo, où il exprime avec clarté et une simplicité touchante ce qu'est pour lui l'art de la peinture.