Riding Modern Art est un livre de photographie, consacré aux processus d'appropriation et de remploi par les skateurs des sculptures dans l'espace public, utilisées comme autant de supports pour leurs figures. Cette pratique de l'oeuvre d'art est perçue par l'artiste Raphaël Zarka comme vecteur du dynamisme de la sculpture moderne, et questionne l'idée de mouvement dans ces oeuvres souvent abstraites et géométriques, d'inspiration cubo-futuriste ou constructivistes.
En rassembalnt une archive de cinquante photographies en noir et blanc de skateurs sur des scuptures dans l'espace public, Raphaël Zarka rend compte de l'hétérogéneité de cette pratique sur les plans technique, esthétique et conceptuels.
Si l'évolution générale de l'art ces dernières années est profondément marquée par la volonté de renouveler la manière d'intervenir dans l'espace, de construire le regard et de percevoir le rapport au spectateur, peu nombreux sont les artistes à avoir formellement exprimé leur intérêt pour cette pratique populaire. Celle-ci fait pourtant écho, dans le contexte de la sculpture moderne, au discours volontariste de nombreux artistes à l'égard d'une participation active du spectateur.
Sans être une « désobéissance », un acte consciemment symbolique, l'usage fait par les skateurs révèle une réification de l'oeuvre d'art, traitée ici comme un simple objet, un matériau, ou un ensemble de matériaux mis en forme, telle une étude intrinsèque de la mécanique des solides, dans la grande tradition galiléenne. Ils renouvellent ainsi nos perceptions de l'art dans l'espace public.
Pour un artiste comme Raphaël Zarka, le skateboard est avant tout une affaire de formes. Formes du repos, formes du mouvement, elles parcourent sourdement l'histoire de l'art et des sciences, de Galilée à Robert Morris. L'architecture urbaine, mais aussi les modules des skateparks, leur font étrangement écho.
Quant à la pratique du skateboard, comme le montre La Conjonction interdite (2003), elle revient toujours à opérer une sorte de « montage » parmi la diversité de matières et de formes offertes par la ville, en dynamisant ou en déstabilisant les structures conçues pour le repos et le confort, au point d'en inverser les fonctions et le sens.
La Conjonction interdite est en quelque sorte une introduction à la pratique du skateboard. L'auteur a cherché à décrire le skateboard définissant sa place parmi la diversité des jeux et des manières de jouer.
Le skateboard (et plus généralement les sports dits « de glisse »), les jeux et les manières de jouer, tout comme les pratiques artistiques d'ailleurs, se sont considérablement étendus et complexifiés au cours de ces cinquante dernières années. Dans une position qui n'est pas sans rappeler l'intérêt d'artistes tels que Dan Graham ou Robert Smithson pour les cultures populaires, Raphaël Zarka définit ici les spécificités de cette pratique tout en décrivant les relations particulières qu'elle entretient avec la ville et certains de ses espaces.
Contrairement à la plus grande partie des terrains de jeux ou de sports, les différents espaces fabriqués pour le skateboard ne sont jamais abstraits. La majorité des skateparks actuels, avec leurs mélanges de courbes, de plans inclinés et de volumes parallélépipédiques, synthétisent l'espace d'origine du skateboard, l'océan, et son lieu de naissance, la ville moderne. Accompagné de nombreux documents photographiques, ce texte est une visite guidée des espaces du skateboard. L'auteur en dresse une sorte de typologie formelle tout en constituant son archéologie, des appareils de mécanique galiléenne à l'histoire de la sculpture minimaliste dont les skateurs seraient les héritiers.
«Depuis une dizaine d'années, je remarque avec stupéfaction combien les oeuvres d'art public sont fréquemment documentées dans les magazines et les vidéos de skate. Les skateurs les utilisent comme support de leurs figures. Les passants, le public, la critique et l'histoire de l'art jugent les oeuvres selon des critères esthétiques et conceptuels (la beauté d'une forme ou l'intérêt d'une idée). Ceux des skateurs sont mécaniques?: tout l'intérêt d'une sculpture dans l'espace public tient à la variété des mouvements qu'elle suggère. Plus irrévérencieuse que vandale, cette pratique de l'oeuvre d'art souligne le dynamisme explicite de tout un pan de la sculpture moderne. Sur des sculptures le plus souvent abstraites et géométriques, les skateurs rendent effective l'idée de mouvement littéralement mise en oeuvre par les artistes.» Raphaël Zarka Cet ouvrage est publié avec le soutien du Centre national des arts plastiques (aide à l'édition), du ministère de la Culture et de la Communication, du Grand Café, centre d'art contemporain de la ville de Saint-Nazaire,du FRAC Franche-Comté, de la galerie Michel Rein et de Carhartt.