"Parler aux hommes le langage de tous les hommes et leur parler cependant un langage tout neuf, infiniment précieux et simple pourtant comme le pain de la vie quotidienne, nul poète, avant Éluard, ne l'avait fait si naturellement. Transmuer en une sorte d'or vierge l'aspect des joies et des douleurs communes à tous, pour en faire éclater la splendeur unique, Éluard fut capable de cela plus intensément et plus aisément que nul autre. L'amour la poésie, ce titre (que je trouve follement beau), n'est-ce pas la formule exacte qui en coiffant impérieusement la vie permet de la renouveler ? La plupart des poètes ont célébré l'amour. Combien sont-ils, à la réflexion, qui l'aient porté en eux toujours et qui en aient imprégné leur oeuvre à la manière d'Éluard ? Capitale de la douleur, L'amour la poésie, je vois en ces livres des tableaux de la vie commune telle que par l'amour elle est rendue poétique, c'est-à-dire illuminée. Il n'est personne qui, pour un temps bref au moins, n'ait fait l'expérience de pareille illumination, mais les avares et les prudents ont la règle de rabaisser les yeux au plus vite, tandis que la leçon d'Éluard est de substituer définitivement le monde ainsi transfiguré à l'ancien et de s'en mettre plein la vue et plein les doigts sans avoir peur de se déchirer à ses aigus sommets."
André Pieyre de Mandiargues.
"La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue."
Dans ce recueil constitué en 1929, la ferveur amoureuse alterne avec la révolte contre les forces d'oppression et la réaffirmation de la puissance créatrice du langage. Un "livre sans fin" où la nuit est illuminée par l'onirisme incandescent du surréalisme.
Inconnue, elle était ma forme préférée,
Celle qui m'enlevait le souci d'être un homme,
Et je la vois et je la perds et je subis
Ma douleur, comme un peu de soleil dans l'eau froide.Recueil emblématique du XXe siècle et oeuvre majeure de Paul Éluard, Capitale de la douleur cristallise l'intensité du sentiment amoureux. Rongé par la douleur de voir la femme qu'il aime s'éloigner de lui, l'auteur rédige des poèmes où le rêve côtoie le désir, où le « je » est universel. Chacun de nous, dans la traversée de l'absence de l'être aimé, peut s'y reconnaître. Sont également évoqués les thèmes de l'art et du bonheur, ainsi que plusieurs figures artistiques de son époque comme Picasso, Miró et Max Ernst.Paul Éluard (1895-1952) est une figure majeure de la poésie, d'abord dadaïste puis surréaliste. Auteur de nombreux recueils, il est resté célèbre entre autres pour le poème « Liberté » écrit pendant la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il fut résistant.Introduction et chronologie de Raymond Jean
Ce volume rassemble des poèmes de Paul Éluard (1895-1952) publiés pendant la Seconde Guerre mondiale, le plus souvent dans la clandestinité sous des pseudonymes tels que Jean du Haut ou Maurice Hervent, dans divers recueils, revues et brochures (dont L'Honneur des poètes, Minuit, juillet 1943 et Europe, Minuit, mai 1944). Ainsi le recueil Poésie et vérité 1942, publié en octobre 1942 aux Éditions de la Main à la Plume, et dans lequel figurent « La Dernière Nuit et quelques autres poèmes dont le sens ne peut guère laisser de doutes sur le but poursuivi : retrouver, pour nuire à l'occupant, la liberté d'expression ».
L'un de ces « quelques autres poèmes » est Liberté.
« Et partout en France, écrit Paul Éluard dans la bibliographie du recueil, des voix se répondent, qui chantent pour couvrir le lourd murmure de la bête, pour que les vivants triomphent, pour que la honte disparaisse. »
Ces poèmes d'Éluard furent recueillis en un volume publié aux Éditions de Minuit en avril 1945, avec trois autres poèmes inspirés entre 1936 et 1938 par la guerre d'Espagne. C'est cette édition qui est reprise ici.
Table des matières.
AU RENDEZ-VOUS ALLEMAND : Avis - Courage - Les belles balances de l'ennemi - Chant nazi - « Un petit nombre d'intellectuels français s'est mis au service de l'ennemi » - Les sept poèmes d'amour en guerre - Critique de la poésie - L'aube dissout les monstres - Enterrar y callar - Les armes de la douleur - Tuer - Bêtes et méchants - D'un seul poème entre la vie et la mort - Pensez - On te menace - À celle dont ils rêvent - En plein mois d'août - Le poème hostile - Comprenne qui voudra - Gabriel Péri - Dans un miroir noir - Charniers - Le même jour pour tous - Chant du feu vainqueur du feu - À l'échelle humaine - Les vendeurs d'indulgence - Faire vivre // POÉSIE ET VÉRITÉ 1942 : Liberté - Sur les pentes inférieures - Première marche, la voix d'un autre - Le rôle des femmes - Patience - Un feu sans tache - Bientôt - La halte des heures - Dimanche après-midi - Douter du crime - Couvre-feu - Dressé par la famine - Un loup - Un loup - Du dehors - Du dedans - La dernière nuit // RAISONS D'ÉCRIRE, ENTRE AUTRES, ET BIBLIOGRAPHIE : Novembre 1936 - La victoire de Guernica - Les vainqueurs d'hier périront.
Cet ouvrage propose une sélection de poèmes de Paul Éluard (1895-1952) consacrés à la peinture ou dédiés à ses très nombreux amis peintres, ceux qui feront de l'art du 20e siècle ce qu'il est devenu : Picasso, Braque, Miró, Dalí, Man Ray, Léger, Klee, Ernst, Chagall, Magritte (27 sont présents dans ce livre).
Amoureuses
Elles ont les épaules hautes
Et l'air malin
Ou bien des mines qui déroutent
La confiance est dans la poitrine
À la hauteur où l'aube de leurs seins se lève
Pour dévêtir la nuit
Des yeux à casser les cailloux
Des sourires sans y penser
Pour chaque rêve
Des rafales de cris de neige
Des lacs de nudité
Et des ombres déracinées.
Il faut les croire sur baiser
Et sur parole et sur regard
Et ne baiser que leurs baisers
Je ne montre que ton visage
Les grands orages de ta gorge
Tout ce que je connais et tout ce que j'ignore
Mon amour ton amour ton amour ton amour.
'Je sais parce que je le dis
Que mes désirs ont raison
Je ne veux pas que nous passions
À la boue
Je veux que le soleil agisse
Sur nos douleurs qu'il nous anime
Vertigineusement
Je veux que nos mains et nos yeux
Reviennent de l'horreur ouvertes pures
Je sais parce que je le dis
Que ma colère a raison
Le ciel a été foulé la chair de l'homme
A été mise en pièces
Glacée soumise dispersée
Je veux qu'on lui rende justice
Une justice sans pitié
Et que l'on frappe en plein visage les bourreaux
Les maîtres sans racines parmi nous
Je sais parce que je le dis
Que mon désespoir a tort
Il y a partout des ventres tendres
Pour inventer des hommes
Pareils à moi
Mon orgueil n'a pas tort
Le monde ancien ne peut me toucher je suis libre
Je ne suis pas un fils de roi je suis un homme
Debout qu'on a voulu abattre'
Le travail du poète, VII
Pour vivre ici
Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné,
Un feu pour être son ami,
Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver,
Un feu pour vivre mieux.
Je lui donnai ce que le jour m'avait donné
Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.
Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes,
Au seul parfum de leur chaleur ;
J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,
Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.
(1918)
[...]
"Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. Les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé. Leur principale qualité est non pas, je le répète, d'invoquer, mais d'inspirer. Tant de poèmes d'amour sans objet réuniront, un beau jour, des amants. On rêve sur un poème comme on rêve sur un être. La compréhension, comme le désir, comme la haine, est faite de rapports entre la chose à comprendre et les autres, comprises ou incomprises.
C'est l'espoir ou le désespoir qui déterminera pour le rêveur éveillé - pour le poète - l'action de son imagination. Qu'il formule cet espoir ou ce désespoir et ses rapports avec le monde changeront immédiatement. Tout est au poète objet à sensations et, par conséquent, à sentiments. Tout le concret devient alors l'aliment de son imagination et l'espoir, le désespoir passent, avec les sensations et les sentiments, au concret. [...]"
Extrait de L'évidence poétique
"Ce nouveau recueil de vingt-sept poèmes inédits en majeure partie marque un moment important dans la vie de l'auteur et dans son oeuvre. "Je me suis voulu moraliste, dit-il dans sa préface. Combien de fois ai-je dû me répéter, avec cet entêtement absurde du combattant
discipliné : 'Ce qui est mal te fait souffrir ou fait souffrir les autres, mais ce qui est bien est juste et harmonieux et sage, dans tous les sens ; tu le sais, ne ruse pas.' Car ruser avec le bien s'avère toujours plus possible que de conserver son mal. On ruse avec la vie, on ne trompe pas la mort." Mais ce bien et ce mal, quels sont-ils? "Combien de fois ai-je changé l'ordre de ces poèmes, remis au bien ce qui était au mal, et inversement? Le jour suivait-il la nuit ou la nuit le jour? Je suis d'humeur changeante, mais ni l'aube pour moi, ni le crépuscule, jamais ne trébuchent. Ils se transforment. Le mal doit être mis au bien. Et par tous les moyens, faute de tout perdre. Contre toute morale résignée, nous dissiperons la douleur et l'erreur. Puisque nous avons eu confiance.""
(Bulletin de la NRF n° 30, déc. 1949)
Une sélection de vingt poèmes extraits du recueil de Paul Éluard, Capitale de la douleur, vingt poèmes parmi les plus évocateurs et les plus émouvants de cette anthologie, vingt poèmes exprimant la palette des sentiments amoureux de Paul Éluard à l'égard de sa femme Gala : de la joie d'aimer à des cris de désarroi. Des textes courts, rapides et saisissants qui donnent naissance à de merveilleux chants d'amour.
Ce livre reproduit le texte de cinq méditations poétiques destinées d'abord à la radio. En adoptant pour ces réflexions sur son art, pour cette suite d'essais, de poèmes en prose, de citations merveilleuses, la forme des voix alternées, Paul Éluard converse avec les grands poètes, ses frères. Les Sentiers et les Routes de la Poésie, c'est l'expression accomplie de ce dialogue entre les voix intérieures du poète et les voix humaines qui le touchaient. Un de ses amis demandait un jour à Éluard combien de temps il avait passé à écrire ces cinq émissions : "Trois mois - et vingt-cinq ans", répondit-il. Les textes qui sont mis dans la bouche de l'Auteur comptent parmi les plus beaux écrits en prose d'Éluard. Sur la poésie, l'imagination, l'amour, l'enfance, le fantastique, il s'est rarement livré avec plus de liberté, de charme et de bonheur. "Les véritables poètes, écrivait-il, n'ont jamais cru que la poésie leur appartînt en propre." Aussi, aux confidences de l'Auteur, Éluard mêle-t-il un éblouissant florilège : poèmes, lettres d'amour, chansons populaires, poésies d'enfants, paroles célèbres ou obscures, inconnues ou glorieuses, mais dont chacune rayonne.
Avec Paul Éluard, la poésie n'est plus un mirage, ni un rêve. Elle est la fusion du rêve et de l'action ; elle est, comme dit Aragon, le mariage du ciel et de l'enfer. Alors que naguère encore, le chagrin et la douleur isolaient le poète et ses chants du reste des hommes, ce qui aide aujourd'hui Paul Éluard à vivre, c'est d'aider les hommes à vivre. En reconnaissant l'enfer dans la vie des hommes, l'impossibilité d'en extraire son propre enfer, et la dérision qu'est la complaisance en l'enfer, Paul Éluard a rendu possible la fusion intime, irréversible, de la vérité et de la beauté, et la croyance en l'espoir, sentiment qui n'appartient qu'à ceux pour qui il n'y a d'autre religion que celle de la perfectibilité infinie de l'homme, d'autre philosophie que celle qui fonde la possibilité de transformer le monde, d'autre horizon, même au coeur de l'enfer, que ce ciel public : le bonheur humain.
Préface de Louis Aragon.
La légende raconte que c'est afin de « tuer le temps » que Breton et Éluard se lancèrent, en août 1930, dans l'écriture de ce recueil intitulé, avec un sens aigu de la provocation, L'Immaculée Conception. « La connaissance parfaite que nous avions l'un de l'autre nous a facilité le travail, diront-ils plus tard. Mais elle nous incita surtout à l'organiser de telle façon qu'il s'en dégageât une philosophie poétique. » Dans ce recueil en prose, se trouve ainsi réunies les deux tendances qu'incarnent Breton et Eluard au sein même du mouvement surréaliste - le premier, ardent défenseur de l'écriture automatique la plus baroque, le second, plus incliné à une certaine transparence poétique, une évidence qui désarme le lecteur. Ici, leur volonté commune est affichée : à travers une parole radicalement nouvelle, ils entendent partir en quête de la Vérité même, le désir mystérieux qui sous-tend toute existence humaine. À noter trois pages mémorables en guise de Kama-Sutra littéraire et « Le Jugement originel », renouant avec la forme proverbiale chère aux deux auteurs, qui incite à bannir toute tiédeur dans la vie comme dans l'art.
Publié clandestinement en 1942, traduit en dix langues et parachuté par la RAF sur l'Europe occupée, « Liberté » de Paul Eluard est un poème mythique : avec ses vingt et un quatrains, il a la ferveur d'une déclaration d'amour et la force d'un mot d'ordre. En novembre 2016, « Liberté j'écris ton nom », le poème de Paul Eluard illustré par Fernand Léger, reparaît chez Seghers à l'identique de l'édition originale, datée de 1953.
Tandis que nous nous apprêtons à rendre hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, la « liberté » scandée par Eluard apparaît plus que jamais comme un leitmotiv, un mot de rassemblement généreux, optimiste, qui va bien au-delà des clivages politiques, sociaux et religieux. Celui qui clame « Liberté, j'écris ton nom » invoque toute une histoire de luttes et de sacrifices - celle de nos aînés -, mais affirme aussi le désir de se sentir vivant, humain, aspirant au bonheur. Dans ce contexte troublé, il nous a semblé important que cette oeuvre soit de nouveau disponible, dans une belle édition, soignée et accessible au plus grand nombre.
Cette correspondance inédite fait revivre vingt ans de l'histoire de Dada et du surréalisme au fil des échanges entre deux acteurs majeurs. Des noms d'écrivains - Tzara, Aragon, Crevel, Char, Péret et d'autres - traversent ces pages, ainsi que ceux de peintres, Max Ernst et surtout Dalí. On y voit l'histoire des revues s'enrichir de nouveaux épisodes.
L'auteur de Capitale de la douleur et de L'amour la poésie a donné à la poésie surréaliste son plus pur éclat, sa participation aux côtés de Breton à la vie palpitante du mouvement se révèle primordiale. Les enthousiasmes alternent avec les aveux de détresse absolue dans le dialogue de deux êtres réunis par une amitié sans réserve.
Relation dont l'un et l'autre mesureront rétrospectivement le caractère exceptionnel. 'J'ai cru, comme en aucun autre, à ton amitié, à ta compréhension profonde de ce que nous voulions', écrit Breton à Eluard en mars 1936. À partir de cette année, les engagements révolutionnaires dictés au départ par la même et intransigeante passion les conduisent peu à peu vers des choix opposés. Rejoignant une aspiration de jeunesse vers la fraternité humaine, Eluard va en chercher l'incarnation du côté du Parti communiste auquel il adhérera pendant la guerre alors que les yeux de Breton se seront définitivement dessillés lors du premier Procès de Moscou. Sous nos yeux, la correspondance se fait la chronique d'une rupture.
Publié clandestinement en 1942, traduit en dix langues et parachuté par la RAF sur l'Europe occupée, « Liberté » de Paul Eluard est un poème mythique : avec ses vingt et un quatrains, il a la ferveur d'une déclaration d'amour et la force d'un mot d'ordre. En novembre 2016, « Liberté j'écris ton nom », le poème de Paul Eluard illustré par Fernand Léger, reparaît chez Seghers à l'identique de l'édition originale, datée de 1953.
Tandis que nous nous apprêtons à rendre hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, la « liberté » scandée par Eluard apparaît plus que jamais comme un leitmotiv, un mot de rassemblement généreux, optimiste, qui va bien au-delà des clivages politiques, sociaux et religieux. Celui qui clame « Liberté, j'écris ton nom » invoque toute une histoire de luttes et de sacrifices - celle de nos aînés -, mais affirme aussi le désir de se sentir vivant, humain, aspirant au bonheur. Dans ce contexte troublé, il nous a semblé important que cette oeuvre soit de nouveau disponible, dans une belle édition, soignée et accessible au plus grand nombre.
Cet enregistrement, issu de l'adaptation de l'émission de France Inter "Ça peut pas faire de mal", est consacré à la poésie. Retrouver la voix de Guillaume Gallienne lorsque s'ouvre "L'invitation au voyage" de Charles Baudelaire, ou bien les Lettres à Lou de Guillaume Apollinaire, les merveilleux poèmes de Paul Éluard ou encore, telle une coda, le remarquable et troublant Épilogue de Louis Aragon, c'est voyager au côté d'un extraordinaire compagnon, c'est être transporté par sa voix-miroir aux reflets sensibles.
"Quatre poètes, ici conviés, escortés, revivifiés, sans qu'ils soient un instant statufiés, taillés dans le marbre ni livrés à on ne sait quel panthéon sonore. Quatre poètes magnifiquement servis par le talent de Guillaume Gallienne et la si bien nommée magie des ondes." André Velter