L'homme se tient sur une brèche, dans l'intervalle entre le passé révolu et l'avenir infigurable. Il ne peut s'y tenir que dans la mesure où il pense, brisant ainsi, par sa résistance aux forces du passé infini et du futur infini, le flux du temps indifférent. Chaque génération nouvelle, chaque homme nouveau doit redécouvrir laborieusement l'activité de pensée. Longtemps, pour ce faire, on put recourir à la tradition. Or nous vivons, à l'âge moderne, l'usure de la tradition, la crise de la culture. Il ne s'agit pas de renouer le fil rompu de la tradition, ni d'inventer quelque succédané ultra-moderne, mais de savoir s'exercer à penser pour se mouvoir dans la brèche. Hannah Arendt, à travers ces essais d'interprétation critique - notamment de la tradition et des concepts modernes d'histoire, d'autorité et de liberté, des rapports entre vérité et politique, de la crise de l'éducation -, entend nous aider à savoir comment penser en notre siècle.
10 décembre 1948 : les Nations unies adoptent la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui se veut une réponse claire aux projets génocidaires et au problème des apatrides généré par la Seconde Guerre mondiale. Hannah Arendt réagit en publiant l'année suivante un essai où elle développe pour la première fois l'une de ses thèses les plus célèbres : le droit d'avoir des droits. C'est ce texte inédit en français que nous publions, précédé de "Nous réfugiés" (1943), ici dans une nouvelle traduction.
Ce livre rassemble trois textes de Hannah Arendt qui se situent dans le sillage immédiat de son ouvrage majeur, Les origines du totalitarisme (1951), qu'il contribue à éclairer et à prolonger. Deux articles de 1953, Compréhension et politique et Religion et politique, développent une analyse plus fine du phénomène totalitaire. Le texte central, La nature du totalitarisme, est la matière des conférences que Hannah Arendt donna en 1954 à la New School for Social Research. L'auteur prolonge les réflexions du Système totalitaire et poursuit l'analyse de la terreur et du caractère singulier du totalitarisme. La préface de Michelle-Irène Brudny-de Launay a pour double objet de retracer la réception originale de l'oeuvre de Hannah Arendt en France et d'analyser l'importance comme les limites de la conception arendtienne du totalitarisme, en la situant au sein d'une problématique désormais générale.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le "réfugié" préfère en général l'appellation de "nouvel arrivant" ou d'"immigré", pour marquer un choix, afficher un optimisme hors pair vis-à-vis de sa nouvelle patrie. Il faut oublier le passé : sa langue, son métier ou, en l'occurrence, l'horreur des camps. Elle-même exilée aux États-Unis au moment où elle écrit ces lignes dans la langue de son pays d'adoption, Hannah Arendt exprime avec clarté la difficulté à évoquer ce passé tout récent, ce qui serait faire preuve d'un pessimisme inapproprié. Pas d'histoires d'enfance ou de fantômes donc, mais le regard rivé sur l'avenir. Mais aux yeux de ces optimistes affichés, la mort paraît bien plus douce que toutes les horreurs qu'ils ont traversées. Comme une garantie de liberté humaine.
Née en 1906, Hannah Arendt fut l'élève de Jaspers et de Heidegger. Lors de la montée au pouvoir des nazis, elle quitte l'Allemagne et se réfugie eux Etats-Unis, où elle enseigne la thoérie politique. À travers ses essais, tels que La Condition de l'homme moderne, Les Origines du totalitarisme, Eichmann à Jérusalemou encore Le Système totalitaire, elle manifeste sa qualité d'analyste lucide de la société contemporaine. Elle meurt en 1975.
Pas de changement politique sans au préalable un changement social. Tel est le but d'une révolution : vivre, plutôt que survivre. Dans cet essai inédit qui résonne avec les colères actuelles, Arendt nous invite à nous organiser nous-mêmes pour nous emparer de l'action politique et ne plus la déléguer aux partis. Retrouver ce qui anima les deux grandes révolutions, la française et l'américaine : un désir passionné, chez les citoyens, de participer aux affaires publiques.
Marx par Arendt : un petit livre crucial à l'heure des grandes inégalités, de la menace d'une précarité généralisée, et de la radicalisation des mouvements anticapitalistes. Sur la fin de sa vie, Arendt projetait un essai sur l'auteur du Capital ; elle n'eut pas le temps de le mener à bien ; ce texte, longtemps inédit, devait en constituer le coeur et faire le lien entre ses deux essais majeurs : Les origines du totalitarisme et Condition de l'homme moderne.
La gloire posthume est le lot des inclassables. On n'a mesuré l'importance de Walter Benjamin qu'après sa mort. Au croisement de la biographie, de la philosophie politique et de la critique littéraire, Hannah Arendt retrace ici le destin et l'itinéraire spirituel d'un homme pris dans "les sombres temps". Elle analyse ses rapports tourmentés avec la judéité et le marxisme, son amour de Paris et de la flânerie ainsi que ses relations complexes avec les intellectuels de son temps. Plongeant au plus intime de l'oeuvre, elle décortique la façon, unique, que Benjamin avait de "penser poétiquement". Philosophe elle-même inclassable, Hannah Arendt était la plus apte à saisir la subtilité de cette figure.
Penser, c'est apprendre à désobéir, à ne pas se soumettre ou obéir à des idéologies. Ce recueil en grande partie inédit d'essais, interviews, conférences, discours, critiques littéraires, depuis un essai sur le travail et l'action jusqu'à des textes sur la liberté et la condition humaine, en passant par un remarquable "Hannah Arendt par Hannah Arendt", montre ce que penser librement veut dire : sans appuis ou garde-fous, sans les piliers de la religion, de la morale, de la politique ou de la philosophie, interroger sans répit au lieu d'offrir des réponses figées.
Réfugiés, apatrides, parias, personnes déplacées, sans droits... Hannah Arendt nous aide, en onze essais sur les questions de l'assimilation et de la coexistence des peuples, à penser le monde d'aujourd'hui, les déplacements de population et la remontée de l'antisémitisme. Ce livre culte de la grande philosophe, qui contient plusieurs essais célèbres (sur la place des Juifs, Stefan Zweig, Kafka, ou encore le fameux "Nous autres réfugiés") était introuvable depuis de nombreuses années.
Sur la liberté, les responsabilités civiques, le bonheur, l'effilochement de la pensée avec l'avènement du capitalisme triomphant, la pensée de Marx, la révolution ou encore la guerre froide, un nouveau recueil de la grande philosophe composé de textes inédits en français : essais, interviews, conférences, discours et critiques, depuis un très important essai qu'elle consacra à Karl Marx jusqu'à ses réflexions sur la guerre froide et l'assassinat de Kennedy.
Le 4 décembre 1975, lorsque Hannah Arendt meurt, assise devant sa machine à écrire, un carnet repose sur l'étagère, soigneusement recouvert d'un tissu bleu gris. Rédigé par sa mère Martha, y sont consignées, de 1906 à 1918, les douze premières années de la future grande philosophe. Publié ici pour la première fois, il dessine le portrait d'une fillette surdouée puis rebelle, exprimant peu ses émotions et passionnée de littérature dès son plus jeune âge. Il est suivi de quatre textes totalement inédits de Hannah Arendt : un conte de 1929 et trois paraboles énigmatiques, denses, riches en métaphores, qui, écrites vers 1938, lors de son exil parisien, annoncent une pensée politique qui prendra son envol quelques années plus tard.
Edition bilingue.
Le charisme de Hitler ; l'art de terroriser les populations ; la responsabilité politique ; la destruction de la culture allemande ; le nationalisme et le fascisme ; l'"espace vide" dans lequel nous a laissés la Grande Guerre ; la pensée totalitaire ; la manière dont certains journalistes, historiens ou poètes, sont les gardiens de la vérité des faits : ce nouveau recueil de la grande philosophe, dont certains textes sont inédits en français, complète La Philosophie de l'existence et manifeste, à chaque page, ce qui l'anima toute sa vie : la passion de comprendre.
Liés d'amitié dès le milieu des années trente, mais fondamentalement opposés par leurs idées, Hannah Arendt et Gershom Scholem ne cessèrent, plus de vingt ans durant, d'échanger des lettres chargées de passion entre New York et Jérusalem. Entre eux, Walter Benjamin, le très cher ami commun dont la mort en 1940 hante cette correspondance de bout en bout.
Celle-ci témoigne d'abord des débats qui enflammèrent les intellectuels juifs (et pas seulement eux) après le génocide : les Juifs doivent-ils former un État distinct fondé sur la judéité ? doivent-ils au contraire s'assimiler dans les pays où ils résident ? Scholem soutient la première option, Arendt la seconde.
C'est ainsi qu'entre 1939 et 1963, le cabbaliste et la philosophe confrontent leurs opinions sur la judéité, le sionisme, l'actualité politique, leurs écrits respectifs, mais aussi le destin des Juifs, tandis qu'après la guerre ils s'engagent l'un et l'autre dans le sauvetage des bibliothèques et des archives pillées par les nazis. Jusqu'à quel point le deuil des morts et le combat pour la survie du judaïsme fondait-il leurs relations ?
Ce débat passionné s'achèvera sur une rupture, Scholem ayant les mots les plus durs pour la façon dont son amie avait rendu compte en 1963, dans la presse américaine, du procès Eichmann. Était-elle devenue à ses yeux une " mauvaise juive " ?
Plutôt se taire que se déchirer.
Édition critique réalisée par David Heredia et Marie Luise Knott
Postface de Marie Luise Knott
Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni, avec Françoise Mancip-Renaudie pour les lettres et textes en anglais