« Il y a une douceur à l'existence, un dire renouvelé, des ombres qui apportent du repos, l'atténuation des angles, la pousse des plantes... ».
Résonnant comme un testament littéraire, cette anthologie est le fruit d'une sélection toute personnelle d'Etel Adnan : Saisons, Mer et Brouillard, Nuit, Surgir, Déplacer le silence, cinq recueils constituant la quintessence de son oeuvre poétique. L'écrivaine y livre ses méditations sur le monde, les mythes, l'histoire, l'amour, le silence, le langage, l'avancée dans l'âge, la contemplation de la nature, la quête de la beauté, la mort ou encore la renaissance. Mêlant poésie, prose et philosophie, elle propose une exploration fragmentaire de la réalité, questionne la condition humaine et tente de concilier la mémoire et le temps.
Née à Beyrouth, Etel Adnan (1925-2021) est une artiste, poète et essayiste libano-américaine mondialement reconnue et érigée en modèle par les poètes et poétesses d'aujourd'hui.
Traduction : Martin Richet, Jérémy Victor Robert, Françoise Despalles, Pascal Poyet et Françoise Valéry.
Je sens que je suis, que nous sommes, sur un océan, par une nuit très longue, plus longue que la nuit, un intervalle de temps tout noir, et il nous faut écouter la voix d'Ishmael, écouter parler Queequeg, regarder la nuit étoilée tout en lisant, ou avoir quelqu'un lisant tout haut, près de nous, le chef-d'oeuvre de Melville, afin d'entendre l'âme de ce continent s'exprimant dans toute sa grandeur, et toute sa misère, dans ces pages où l'étrange duel entre Achab et Moby Dick se voit renouvelé, pendant que nous regardons depuis le bateau. En pleine tempête.
L'écrivain, enseignant et diplomate français Gabriel Bounoure a joué un rôle capital pour une génération de jeunes étudiants libanais qui ont découvert avec enthousiasme Nerval, Baudelaire, Rimbaud grâce à ce formidable « passeur » qui créa à Beyrouth L'Ecole des Lettres et sut transmettre la passion de la littérature à des jeunes gens ouverts à tutes les découvertes. Etel Adnan était l'une d'entre eux, avec Salah Stétié. Cet ouvrage propose la grand eprose poétique qu'Etel Adnan écrivit dans les années cinquante en hommage à ce « maître », de même que son premier texte jamais publié, à Beyrouth en 1949, sur Fromentin, et deux textes de souvenirs sur Bounoure et L'Ecole des Lettres.
Une fois à Paris, j'achetai les Mémoires d'Hadrien et m'y plongeai. Je fus sidérée. Il 's'y trouvait la Méditerranée que je connaissais, que je portais en moi et avec moi, avec laquelle je partageais des secrets,. des complicités, des mythologies personnelles. Et je voyais là une femme qui l'aimait de la même façon, avec le même type de passion physique totale qué le mien. Comme tant de ses lecteurs, je l'ai découvert plus tard, je l'avais quasiment identifiée avec Hadrien et je lui attribuais la vie de l'empereur.
Ce livre restitue l'atmosphère du San Francisco des années 60, plus précisément du petit port de Sausalito où des artistes s'étaient installés que des vieux bateaux amarrés au Quai n°5. Il y avait là notamment Jean Varda, qu'Agnès Varda appelait « Oncle Yanko », et Piro Caro horticulteur philosophe anarchiste. Etel Adnan a alors interviewé ces deux personnages ; les entretiens étaient restés inédits. Les voici enfin traduits, avec une double préface d'Etel Adnan. Le tout traduit de l'anglais par Patrice Cotensin.
Les années qui sont les plus formatrices pour un poète ou un écrivain sont celles de l'adolescence. Ce sont des années où votre raison et vos sens croissent visiblement mais dans des directions distinctes et se développent comme indépendamment l'une des autres. C'est pourquoi ce sont des années d'émotions violentes et de confusion mentale. Nous sommes alors comme de jeunes arbres dont les branches partent dans diverses directions donnant l'impression que le tronc va se briser, tiraillé qu'il est entre des tensions opposées.
De L'Échoppe Un jour, mon ami ?eodoros Terzopoulos me demanda pourquoi je n'écrirais pas, sur la crise en Grèce et l'a?ux de réfugiés, un texte qu'il pourrait monter dans son théâtre.
Je me suis mise à écrire, dans un état de surexcition mentale, état totalement étranger à tout souci littéraire, à toute possibilité d'écriture d'une pièce de théâtre bien composée, deux ou trois pages qui sont une sorte de condensé d'un monde grec à la fois ancien et totalement pris dans une tourmente elle aussi semblable à un vertige.
Je me suis mise à
"Etel Adnan est au coeur de l'histoire humaine dans son immédiateté, ses contours surprenants, ses défaites, ses deuils, ses éclats d'imaginaire, sa solidarité. Elle est au coeur du combat poétique, elle affine l'arme de l'art pour mieux vivre et appréhender le monde. Sa poésie est fondatrice à la manière de la Beat Génération, mais avec une conscience plus aiguë, plus radicale. Et cela s'explique : la beauté sans nom et le martyr du monde arabe moderne sont au coeur de son cantique qui traverse les consciences et les civilisations." (extrait de la préface de Michel Cassir).
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Les êtres et leurs ombres ont quitté le jardin. Les chaises se regardent, se demandant si elles doivent converser entre elles ou se taire. I1 y a: un ciel fendu, des branches qui coupent l'air, un bassin octogonal habitué à nos larmes. Il n'y a plus de nuit et le jour n'est pas encore créé. - Les anges ne connaissent pas la Terre. Cette poésie s'écrit - et se lit- à la frontière de la vie et de la mort, là où le ciel disparâîtdans le ciel.
Dans ces entretiens avec Laure Adler réalisés peu de mois avant sa mort en automne 2021, Etel Adnan retrace avec profondeur et émotion les expériences fondatrices de sa démarche artistique, entre la poésie et la peinture. De sa jeunesse au Liban à sa reconnaissance tardive (et « fatigante ») lors de la Documenta en 2013, en passant par ses années américaines à New York et surtout en Californie, la conversation devient vite complice, et c'est le destin parfois difficile des femmes qui est revisité, questionné.
Ce qui est étonnant, c'est la tonalité vivifiante et primesautière du livre, et l'absolue croyance en la beauté qui l'habite : la beauté du monde, la beauté de l'art. La conclusion est en vérité une magnifique ouverture : « Aujourd'hui, c'est le printemps. Il y a cette belle lumière. Regardez, les fleurs dans le vase. L'olivier sur le balcon. C'est une bonne journée. »