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Annie Cohen Solal
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«Je ne suis pas marchand d'art, je suis galeriste» avait coutume de répéter Leo Castelli. Il a régné sur l'art contemporain international pendant plus de quarante ans, au point d'en changer toutes les règles. Après avoir vécu dans de grandes villes d'Europe (Trieste, Vienne, Milan, Budapest, Bucarest et Paris), aux prises avec les convulsions historiques du siècle, ce grand bourgeois dilettante rejoint les États-Unis en 1941, où il ouvre sa propre galerie à New York, en 1957, à l'âge de cinquante ans. Fasciné par les artistes, ses «héros», il découvre les grands Américains des sixties (Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Frank Stella, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, James Rosenquist), et les mouvements esthétiques (le Pop Art, l'art minimal, l'art conceptuel), qu'il insère dans le cours de l'histoire de l'art. Organisée à l'européenne et gérée à l'américaine, la galerie Castelli invente la première forme de globalisation du marché de l'art et devient une institution incontournable. En quelques années, le galeriste transforme le statut de l'artiste aux États-Unis, assurant à l'art américain, pendant près de quatre décennies, une absolue hégémonie sur la scène internationale. Les consécrations à la Biennale de Venise pour Robert Rauschenberg en 1964, et Jasper Johns en 1988, sont de nouveaux coups de maître pour Castelli, jusqu'à ce que le marché de l'art américain s'emballe dans la fièvre de la montée des prix. Pourtant, derrière la personnalité d'un personnage érudit, affable et médiatique, se cache une histoire beaucoup plus complexe et mystérieuse qu'il ne le laissait paraître. Grâce à de nombreux entretiens réalisés dans le monde entier et à des documents d'archives inédits, Annie Cohen-Solal, biographe de Sartre et auteur de «Un jour ils auront des peintres», nous transporte d'Italie en Hongrie, en Roumanie, en France et aux États-Unis, pour raconter la passionnante trajectoire du galeriste, découvrant que sa fonction ressemblait étrangement à celle de ses propres ancêtres, et de ces agents qui travaillaient auprès des Médicis, dans la Toscane de la Renaissance.
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Né Marcus Rotkovitch à Dvinsk dans l'Empire russe, Mark Rothko (1903-1970) émigre à l'âge de dix ans aux États-Unis. Il emporte avec lui son éducation talmudique ainsi que les souvenirs des pogroms et des persécutions de son enfance. Mais l'expérience du déracinement ou les stigmatisations contre lesquelles il dut naviguer dans son pays d'accueil deviennent les moteurs de la subversion esthétique portée dans ses tableaux : dès 1950, il est célébré comme un pionnier de l'abstraction. Mais l'artiste poursuit sa recherche : la Rothko Chapel, inaugurée en 1971 à Houston (Texas) et conçue comme lieu de méditation en prise sur les débats politiques de son temps, reste sans doute son oeuvre la plus aboutie. En nouant des alliances créatives avec artistes, mécènes et commissaires ayant l'immigration en partage, Rothko creuse un sillon cosmopolite dans les États-Unis des sixties aux prises avec leurs propres démons. Annie Cohen-Solal nous donne à voir ici toutes les facettes de cet artiste majeur du XX? siècle qui fut aussi un intellectuel engagé, passionné par la transmission, et dont la dimension spirituelle reste ancrée dans la richesse de sa propre histoire.
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Pourquoi le 18 juin 1901 Picasso est-il «signalé comme anarchiste» à la Préfecture de police, quinze jours avant sa première exposition parisienne ? Pourquoi le 1er décembre 1914 près de sept cents peintures, dessins et autres oeuvres de sa période cubiste sont-ils séquestrés par le gouvernement français pour une période de près de dix ans ? D'où vient l'absence quasi totale de ses tableaux dans les collections publiques du pays jusqu'en 1947 ? Comment expliquer, enfin, que Picasso ne soit jamais devenu citoyen français ?Si l'oeuvre de l'artiste a suscité expositions, ouvrages et commentaires en progression exponentielle à la hauteur de son immense talent, la situation de Picasso, un «étranger» en France, a paradoxalement été négligée.Cet angle inédit permet à Annie Cohen-Solal de nous entraîner dans une enquête stupéfiante sur les pas d'Un étranger nommé Picasso, artiste surdoué, naviguant en grand stratège dans une France travaillée par ses propres tensions.
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Un jour, ils auront des peintres ; l'avènement des peintures américains (Paris 1867-New York 1948)
Annie Cohen-Solal
- Folio
- Folio Histoire
- 21 Septembre 2017
- 9782072740046
Tout commence à Paris, le 1?? juillet 1867, dans les fastes de l'Exposition Universelle : après la guerre de Sécession, les paysagistes d'outre-Atlantique, qui forment la première véritable école de leur pays, retrouvent, optimistes, le chemin de l'Europe. Mais les critiques français leur réservent ricanements et sarcasmes : «Cette exposition est indigne des fils de Washington. Au milieu de nos vieilles civilisations, les Américains font l'effet d'un géant fourvoyé dans une salle de bal.»Les peintres souhaitaient être reconnus dans le saint des saints de l'art contemporain. Ils comprirent immédiatement qu'ils n'avaient pas le choix : il fallait céder au goût français, puisque le goût français régnait sur le monde. Du géant, ils avaient les matières premières : l'espace géographique, les moyens économiques, le dynamisme. Pour le reste, les arts plastiques notamment, ils se rendaient bien compte qu'ils accusaient, face aux Européens, un énorme décalage. Leur humiliation à l'Exposition Universelle aiguillonna leur combativité. Et si les fils de Washington relevaient le défi ?L'épopée des peintres américains racontée par Annie Cohen-Solal nous transporte de Paris à New York, de Giverny à Chicago, de Pont-Aven à Taos, au Nouveau-Mexique, et s'achève à la Biennale de Venise, en 1948, lorsque sont présentées, pour la première fois en Europe, huit toiles de Jackson Pollock, un artiste inconnu des Européens de l'époque, mais bientôt célébré dans le monde entier comme le premier véritable maître américain.